Merci Sonja, pour m’avoir transmis le lien du rapport CIDE
sur la pédocriminalité.
Je pense que l’observation suivante est importante, car
elle corrobore la crédibilité de Yan Lopez :
Dans son livre, "Les juges ont violé ma fille", Editions
Rebelo Infanos, Yan Lopez met au pilori le procureur
Yvon Tallec, en 2000 Procureur de la République à
Paris, comme magistrat couvrant la pédocriminalité.
Le rapport CIDE le confirme.
Avec mes meilleurs sentiments
Gérard
Comme par hasard aujourd'hui, quand je voulais retourner sur l'adresse URLJe ne peux plus y accéder : L'URL demandée n'a pas pu être trouvée sur ce serveur.J'ai tout de suite récupéré le texte sur le document word joint cette nuit.Amitiés
Sonja
25 février 2013 | Auteur Jacques Thomet
LES RÉSEAUX PÉDOCRIMINELS N’EXISTENT PAS… VRAIMENT ?
Le document ci-après a été réalisé sur mandat du Comité international pour la dignité de l’enfant (CIDE) à Lausanne, entre mai et novembre 2012, sur la base des archives du comité et d’un certain nombre d’ouvrages consacrés aux réseaux pédocriminels en Europe, tout particulièrement en France et en Belgique, à partir des années 1990. Il montre l’ampleur du phénomène, les connaissances qu’en ont aujourd’hui tous ceux qui ont enquêté sur cette question, et propose un certain nombre de pistes et d’explications pour mieux comprendre pourquoi une chape de plomb recouvre encore et toujours ces affaires et comment les acteurs, auteurs de faits criminels de la plus haute gravité, échappent la plupart du temps à toute condamnation.
L’affaire Dutroux, du réseau international au prédateur isolé…
Le 17 juin 2004, après un procès de quatre mois et presque trois jours de délibérations, les douze jurés chargés de se prononcer sur la culpabilité des quatre accusés de « l’Affaire Dutroux » rendent leur verdict devant la cour d’assises d’Arlon en Belgique : Marc Dutroux est jugé coupable de toutes les charges retenues contre lui. Il était le chef d’une association de malfaiteurs à l’origine des enlèvements, séquestrations et viols de six fillettes, du meurtre de quatre d’entre elles, ainsi que d’autres enlèvements, séquestrations et du meurtre de son complice Bernard Weinstein. Le jury parle de Marc Dutroux comme d’un « provocateur » ou « chef de bande » ayant participé à ce titre à une « association impliquée notamment dans les enlèvements et séquestrations » des jeunes filles. Il sera condamné quelques jours plus tard à la réclusion à perpétuité.
Sa bande ? Deux membres (les seuls ?) étaient également sur le banc des accusés : son épouse Michelle Martin, condamnée à 30 ans de réclusion, et Michel Lelièvre, condamné, lui, à 25 ans. De terribles malfaiteurs, mais une bien modeste association…
Et l’homme d’affaires escroc Michel Nihoul dans tout ça ?
Dutroux dénonçait ce grand organisateur de partouzes pour le gratin belge (Nihoul l’a reconnu) comme le commanditaire des enlèvements pour un réseau pédophile, à l’opposé de la théorie du « prédateur isolé » Marc Dutroux. Après de difficiles délibérations, les jurés l’acquittent de toute participation ou complicité dans ces enlèvements faute d’une majorité suffisante : sept en faveur de sa culpabilité (une majorité, donc !) et cinq contre. C’est finalement le ralliement des trois magistrats aux jurés minoritaires qui fera pencher la balance de la justice de l’autre côté : huit contre sept ! Nihoul sera certes condamné à cinq ans de prison pour sa responsabilité dans un trafic de stupéfiants, de faux papiers, de véhicules et même d’êtres humains (c’est bien peu pour tout cela, non ?) mais ce verdict est un véritable coup d’assommoir – ou un enterrement de première classe, si l’on peut dire – pour la thèse du réseau.
Dutroux le « monstre de Charleroi », comme l’avait surnommé la presse belge, finira donc ses jours en prison. C’est le moindre des soulagements pour les familles des victimes et les survivantes de ses atrocités. Mais après huit années d’instruction houleuses, l’entière vérité n’est pas sortie du procès, loin s’en faut. Le grand quotidien francophone « Le Soir », qui titre au lendemain de l’épilogue « Le jury a douté avec les Belges », souligne que ce verdict « ne referme pas » l’affaire Dutroux. Et à l’heure des peines prononcées, c’est bien celle dont écope Nihoul qui retient l’attention de la presse. Dans une édition spéciale, le quotidien francophone «La Dernière Heure» titre ainsi : « Nihoul sauve sa peau ». A contre-courant tout de même, « La Libre Belgique » estime, elle, que toute la lumière a été faite et évoque « un verdict sans zones d’ombres »…
On croit rêver. Ses journalistes avaient-ils vraiment suivi le procès ? Et le dossier ?
Michel Nihoul bénéficie donc du doute, et c’est toute la thèse des « croyants » qui s’évapore. Les « croyants » ? Ceux qui sont persuadés que Dutroux n’est qu’un maillon d’une organisation beaucoup plus vaste, un véritable réseau avec Michel Nihoul pour chef d’orchestre et passeur de commandes, destiné à fournir des jeunes filles pour satisfaire les pulsions de personnalités haut, parfois très haut placées au sein de la classe politique, judiciaire, du monde des affaires ou encore de la noblesse du Royaume. A l’opposé : les « incroyants », incrédules jusqu’au bout face à ce qui n’est à leurs yeux que du ressort de la rumeur, l’absence de preuve formelle ou d’aveux lors du procès venant encore renforcer leur sentiment.
Bref, il n’y a pas de réseau pédophile.
Vraiment ? Aujourd’hui, chacun peut se faire une idée précise et se forger une opinion étayée à la seule lecture d’une synthèse des auditions réalisées par les enquêteurs belges tout au long de leurs recherches. Synthèse mise en ligne en 2011 sur le web par Wikileaks et largement rediffusée sur la toile. A vrai dire, ces documents (près de 1100 pages au total) pouvaient déjà être obtenus via Internet, de manière plus ou moins confidentielle, au début des années 2000 (le CIDE les a eu en sa possession dès cette époque…) Une première chose frappe : le nombre de personnes auditionnées, le nombre de perquisitions, de vérifications au fil des pages… Un travail de police colossal, quel qu’en soit le résultat final, quels que soient les bâtons dans les roues, les empêcheurs de suivre les pistes, les mutations des plus zélés des enquêteurs dont plusieurs, célèbres, ont fini par poser les plaques écœurés. L’un d’eux fera même une grève de la faim…
Le lecteur courageux (il faut un peu de persévérance car ce n’est pas exactement de la littérature…) assiste alors à un impressionnant défilé de témoins auditionnés, dont les fameux « témoins X », ces victimes avérées ou supposées de réseaux pédocriminels, que l’anonymat devait protéger mais dont on découvrira finalement quelques noms et visages dont celui de la plus célèbre : « X1 » alias Régina Louf.
Le lecteur assiste surtout à un incroyable « déballage » de noms, des accusés cette fois, des abuseurs, tortionnaires, ou meurtriers supposés. Et c’est tout le gratin, le gotha belge qui défile à l’écran, des personnalités actuelles ou passées du monde politique (jusqu’au plus haut niveau de l’Etat !), du monde judiciaire (jusqu’aux plus hautes instances), du monde des affaires (les plus grandes sociétés du Royaume sont concernées), de la noblesse enfin (jusqu’au plus haut niveau une fois encore…). Ils sont tous là ou presque…
Mais trop, c’est trop, justement… Comment y croire ? Le premier sentiment, précisément, est celui des « incroyants ». C’est tout simplement inimaginable… De telles personnalités, respectables et respectées pour la plupart, auteurs de pareilles ignominies ? Balivernes, racontars, médisances… Des folles ! On tentera d’en faire passer certaines pour telles, précisément… Un procédé parfaitement rodé, comme on le verra dans un autre chapitre.
Trop, vraiment ? On peut retourner la situation de 180 degrés. Comment autant de témoignages concordants sur autant de personnes ? Comment imaginer que tous ces témoins X se soient à ce point concertés – même si certains se connaissent ? – Tant de noms, tant de lieux, tant de scènes, de gestes dont les descriptions se recoupent…
A leur propos, bien plus précis que les synthèses d’auditions, les procès-verbaux des auditions des témoins « X » sont une descente hallucinante vers les enfers des réseaux, des partouzes, des chasses à l’enfant, des tortures, des meurtres dans de merveilleux châteaux ou propriétés du Royaume. A lui seul, le recueil des procès-verbaux originaux des auditions de Régina Louf (X1), publié par Jean Nicolas et « L’Investigateur » sous le titre « L’horreur de la pédophilie » est un panorama édifiant et complet de l’état de déliquescence du Royaume.
Mais soit. Tout cela est tellement incroyable… Laissons ces témoignages de côté. Y en a-t-il d’autres ? Y a-t-il d’autres traces de l’existence de tels actes de barbarie – jusqu’aux rituels sataniques parfois – en Belgique ? Par le passé peut-être ?
Les synthèses des PV d’enquête du dossier Dutroux ont précisément aussi remonté le fil de l’Histoire. On y retrouve les heures sombres de l’époque des « Tueurs du Brabant », qui ont semé mort, terreur et zizanie dans la première partie des années 1980, ou de « l’affaire Pinon » – du nom d’un psychiatre bruxellois qui a dénoncé à la même période une vaste affaire de « ballets roses » impliquant encore une fois ministres, magistrats, avocats, policiers, noblesse… Jusqu’à Albert II (prince à l’époque). – Rumeurs infondées, dira la justice à plusieurs reprises (le dossier a été littéralement scellé, enterré à l’époque dans le coffre-fort du Procureur du Roi de Nivelles, Jean Deprêtre. Mais le magazine « L’Investigateur » en a publié un extrait édifiant : la retranscription d’un enregistrement sonore). De fait, et malgré les nombreux efforts des « étouffeurs », « l’affaire Pinon » ne cessera au fil des années de ressortir de son carton et de rebondir. Les synthèses des PV de l’affaire Dutroux montrent que les enquêtes autour du « monstre de Charleroi » ont rouvert tous les placards des affaires Pinon et « Tueurs du Brabant »… Et voilà que l’on retrouve un certain nombre – un nombre certain, plutôt – de mêmes personnages, de mêmes personnalités, à la croisée des chemins de ces trois dossiers. Et défilent d’autres enlèvements, disparitions, tortures, morts, dont celle de Christine Van Hees dans l’affaire dite « de la Champignonnière ».
Au-delà de ces PV policiers, tout avait été écrit, publié, étayé, prouvé, bien avant le procès de 2004. Il suffit pour s’en convaincre de lire ou relire l’ouvrage « Dossier Pédophilie – Le scandale de l’affaire Dutroux » de Jean Nicolas et Frédéric Lavachery, édité chez Flammarion en 2001. Ils écrivent dans leur avant-propos : « On verra que l’affaire Dutroux, même si son éclosion ne pouvait trouver terrain plus favorable que celui d’une Belgique au pouvoir politique vermoulu, dispose de ramifications internationales, notamment slovaque, française et allemande. Et qu’elle se révèle symptomatique de l’échec du système belge.
Car quand la loi est paralysée parce que le nom du Roi, sacré et inviolable, est évoqué, à tort ou à raison, dans plusieurs affaires criminelles devenues des scandales d’Etat, rumeurs dont il faudra bien un jour ou l’autre explorer le fondement; quand des enquêteurs bloquent parce que certains membres de leur hiérarchie envoient des messages clairs ; quand des faux en écriture et des falsifications de disques durs se produisent, il faut prendre conscience qu’une certaine idée de la démocratie est en péril.
À se demander même si les fameux « dysfonctionnements » de cette affaire sont forcément toujours fortuits.
Pas de doute, le dossier Dutroux semble aller beaucoup plus loin qu’on l’a d’abord cru : c’est une affaire d’Etat.
Trois ans avant le verdict d’Arlon, la cause semble déjà entendue. La vérité ne sortira pas…
Et les deux auteurs de mentionner et d’écrire notamment, dans leur livre, la piste européenne, les liens établis entre Dutroux et certains pays, ses déplacements.
Certaines de ces informations, et d’autres, sont parvenues également et « collatéralement » au CIDE – au détour de dossiers, a priori sans lien entre eux ni avec l’affaire Dutroux (les analyses du CIDE montreront précisément le contraire…). Il s’agissait pour l’essentiel de mères françaises (et d’un ou deux pères…) demandant l’aide du CIDE dans leur affaire mêlant systématiquement séparation, divorce, garde du ou des enfants et abus sur mineurs par un groupe de personnes autour du père (ou de la mère) accusé(e). Voir à ce propos le chapitre « L’affaire des mères françaises ».
Or, le nom de Marc Dutroux apparaît dans plusieurs dossiers du CIDE, en lien avec un réseau pédocriminel à composante sataniste.
Ainsi F. M., mère de S. et R., affirme que Marc Dutroux s’est rendu à son domicile parisien à plusieurs reprises entre juin 1993 et 1995. R. a reconnu par ailleurs l’appartement de Nihoul, comparse de Dutroux, dans un reportage TV de «Canal+» sur Dutroux. La description faite a été confirmée par Frédéric Lacroix, journaliste de «Canal +».
Dans l’affaire D.-A., O. évoque – parmi les lieux où elle était emmenée avec son frère J. pour y subir de nombreux outrages – un « endroit à la campagne », une grande maison dans une propriété.
Elle dit y avoir vu notamment Dutroux.
N. M. (dossier en Ardèche) affirme avoir rencontré Dutroux à deux reprises en présence de son père et de deux autres hommes qu’elle ne connaît pas. Elle l’a reconnu tout de suite à la télévision au moment où l’affaire a éclaté en Belgique.
En fait, il existe nombre de traces du passage de Dutroux en Ardèche, dans le sud de la France et jusque dans les Pyrénées comme le montrent les recherches (non réalisées par le CIDE mais transmises à celui-ci) autour de l’affaire S. B., une adolescente petit rat de l’opéra de Toulon, littéralement déchiquetée dans un accident de la route qui n’a de toute évidence jamais eu lieu, à Albertville, en 1995…). Le jeune homme responsable de ce pseudo-accident, C. M. C., fait partie de la famille M. C. (Albertville et Privas) en lien avec l’affaire M., mais aussi C. à Nice. Il est notamment établi qu’entre 1987 et 1994, Dutroux voyageait entre la France et la Belgique, particulièrement à Privas où M. M. et lui étaient très amis avec A. L. M. (témoignage d’A. L. M. elle-même). Cette dernière a confirmé à X. B. (père de S., qui s’est battu jusqu’au bout – en vain – pour faire éclater la vérité sur la mort de sa fille) les relations entre les C. et Dutroux.
Un procureur de Privas, dont le fils serait handicapé, aurait eu lui-même à faire à Dutroux. Son fils avait été violé et des rapports de police avaient été faits sur des accusations de torture, et de pédophilie envers des mineurs de l’hôpital psychiatrique de Sainte-Marie à Privas. Dutroux et d’autres personnes auraient été impliquées. Affaires étouffées.
Laissons à l’ex-épouse de Michel Nihoul, Annie Bouty, le soin de conclure ce chapitre, par la plume de Jean Nicolas et Frédéric Lavachery. Ces derniers relèvent (p. 132) de leur livre que « reste énigmatique le fait qu’on n’ait guère cherché à franchir les frontières de la Belgique pour enquêter sur les réseaux amicaux de Dutroux and Co. Or Annie Bouty, l’ex-femme de Nihoul, a déclaré aux enquêteurs que deux Français, un certain Guy et un certain Michel, travaillaient avec son mari et maquillaient des voitures. Elle a même précisé que son ancien compagnon avait accompagné le Michel en question en Normandie et avait peur de lui parce qu’il avait déjà été arrêté pour meurtre. Nihoul, de son côté, avait reconnu connaître depuis 1992-1993 un autre Français, né à Belfort, héroïnomane ami d’un certain Caspar Flier, citoyen hollandais, omniprésent dans les dossiers de Neufchâteau (ndlr : les dossiers d’enquête sur Dutroux et les précédentes affaires), et de Michel Lelièvre, lié aussi à Michaël Diakostavrianos.
Autant d’intervenants que l’on retrouve au cœur de ce qu’on pourrait appeler l’Europe de Marc Dutroux ».
Dutroux, ce prédateur isolé…
L’affaire des CD-ROM de Zandvoort
Cette affaire, comme d’autres avant elle, a été mise au jour par le Belge Marcel Vervloesem et son équipe de l’association Morkhoven à la fin des années 1990.
Point de départ : un pédocriminel néerlandais domicilié à Zandvoort, Gerrit Ulrich. C’est lui qui remettra une partie du matériel à Marcel Vervloesem, puis qui lui indiquera où se trouve caché le reste des documents dans son appartement, avant d’être assassiné à Pise par son amant…
Le « matériel » se compose pour l’essentiel de CD-ROM contenant des dizaines de milliers de fichiers pédocriminels montrant des enfants nus (du nourrisson à l’adolescent), seuls ou abusés par des adultes, ainsi que du carnet d’adresses de Gerrit Ulrich. La police néerlandaise a réalisé à partir de matériel image (que lui a remis à l’époque Marcel Vervloesem) un recueil de 570 visages d’enfants et de 17 visages d’adultes, sorte de répertoire photographique des personnes figurant sur une partie du matériel reçu.
En France, deux journalistes ont réussi – un temps – à médiatiser cette affaire : Serge Garde dans «L’Humanité» (dès le 24 février 2000), puis Laurence Beneux dans «Le Parisien». Ils ont – ensemble – poursuivi et synthétisé leur enquête dans un ouvrage, « Le livre de la honte – les réseaux pédophiles » (le Cherche Midi éditeur, 2001).
Ils nous donnent une petite idée du contenu de ces CD-ROM (un seul était évoqué au départ, il y en aura finalement une vingtaine, comptabilisant des dizaines de milliers de fichiers pédopornographiques) : « Ce CD-ROM est abject. Une écœurante collection d’images souvent insoutenables. (…) Nous avons souffert de ces images, jusqu’à la nausée. Derrière chaque image, nous savions un enfant en péril. Un enfant de chair, qui souffre et n’a rien de virtuel. Mais avant tout, l’histoire de ce CD-ROM nous semble emblématique. Le réseau de Zandvoort n’est probablement pas pire que d’autres. Mais cette affaire révèle le degré d’indifférence de l’Etat face à ce type de criminalité. A ce stade, la passivité et les lourdeurs institutionnelles confinent à la complicité de fait. »
L’association Morkhoven a fait parvenir le matériel (CD-ROM plus divers autres documents) à INTERPOL ainsi qu’à tous les chefs d’Etat européens. Ainsi en France, l’Elysée en a accusé réception en avril 1999. La chancellerie l’a alors transmis au parquet général de Paris, le 14 mai 1999, afin qu’une enquête soit diligentée par le procureur de Paris. La Brigade des mineurs de Paris est alors saisie et rend le résultat de son enquête un mois plus tard au parquet qui… classe la procédure le 7 juillet 1999 « en l’absence d’infraction pénale », relatent Laurence Beneux et Serge Garde…
Interviewé sur «France 2» le 16 mai 2000, le procureur Yvon Tallec tiendra ces propos hallucinants : « Les photos sont anciennes », « la plupart des enfants ne sont pas français » et « les enfants étaient consentants, ou c’était avec le consentement de leurs parents »…
Dès la publication du premier article de Serge Garde, de nombreux appels parviennent au journal «L’Humanité», de personnes qui demandent à pouvoir visionner le CD-ROM…
Parallèlement, le CIDE, qui a eu vent de cette affaire et qui a déjà une idée assez précise de l’ampleur du phénomène des réseaux pédocriminels, grâce à un magistrat français avec lequel il est en contact étroit, est mis en relation avec une membre de l’association Morkhoven en Belgique, Gina Bernaer. Une rencontre a lieu avec le président du comité, Georges Glatz, à Bruxelles. Il est convenu que Gina Bernaer fasse parvenir une copie des CD-ROM au CIDE par courrier postal.
Ce sera fait environ un mois plus tard, en novembre 1998, mais le colis ne parvient pas à destination. Nouvel envoi, nouvel échec… Il est alors convenu d’agir dans la discrétion la plus totale, via une adresse de réception secrète. Le colis parvient cette fois à destination. Mais quelques heures plus tard, Georges Glatz apprend le décès de Gina Bernaer dans un accident de la circulation. Seule au volant de sa voiture, sur une route rectiligne, de nuit, elle est venue s’écraser contre un pont… La gendarmerie belge ne réussira pas à expliquer pourquoi elle a subitement dévié de sa trajectoire (elle venait de prendre la route, elle n’était pas fatiguée).
On peut noter que Serge Garde a vécu exactement la même « mésaventure » que Gina Bernaer et le CIDE en matière de courrier postal : « Par deux fois, des courriers contenant une copie du CD-ROM se sont égarés sans que nous puissions obtenir d’explication satisfaisante de leur perte. Cela nous est apparu comme un simple hasard et nous avons fini par nous le faire porter et remettre à Paris », écrit-il.
Côté suisse, les documents informatiques reçus par le CIDE sont transmis tant à la Sûreté du canton de Vaud qu’à la police fédérale à Berne, qui les transmettra à INTERPOL. Alors que le CD-ROM reste inaccessible aux familles en France, c’est finalement à Genève, grâce au procureur Bernard Bertossa sollicité par le CIDE, que certaines familles vont enfin pouvoir avoir accès à ce matériel et le visionner. Le 14 juillet 2000, une dizaine de parents se rendent ainsi à la police genevoise qui a aménagé une salle pour la consultation et mis sur pied une cellule d’accueil et de soutien. Serge Garde, parmi d’autres journalistes, est présent. Mais tous sont évidemment tenus à l’écart de cette séance qui va durer toute la journée.
Parmi les familles conviées à Genève, plusieurs vont reconnaître des enfants et notamment :
1) Les grands-parents paternels d’A. D. Ils reconnaissent A. sur un total de 14 photos. L’essentiel est constitué de prises de vues d’A. nu ou avec ses couches. Sur deux autres, on voit A. dans un appartement, debout, en compagnie d’une personne dont on ne voit que le bas du corps. Il s’agirait de sa nounou C… A. est habillé d’un jean, d’un polo et d’une paire de tennis blanches avec une figurine de Mickey sur le côté extérieur et des lignes jaunes le long des lacets et sur la bordure supérieure.
2) Le 15 mai 2000, F. N. consulte le fichier de portraits tirés du CD-ROM de Zandvoort établi par la police néerlandaise, dans les bureaux du CIDE à Lausanne. Elle reconnaît :
- D., photo 57, spécial 2.
- A., demi-sœur de D., photo 5, spécial 2 et photo 4, spécial.
- C., demi-frère de D., photo 234, spécial.
Le couple N. participe ensuite à la séance avec la police genevoise. F. reconnaît D. et sa grande sœur A. à plusieurs reprises.
3) Mme F. K. a aussi participé au visionnement à la police genevoise. Elle a reconnu des personnes sur plusieurs photos. Elle a reconnu les enfants de P. G., ainsi qu’un de ses amis.
4) Lors de la publication du fameux article de Serge Garde dans « L’Humanité » du 24 février 2000, C. L. reconnaît son fils sur une planche photographique en partie caviardée.
Elle contacte le journaliste qui lui montre les photos du CD-ROM. Elle reconnaît son fils à plusieurs reprises, notamment sur des photos portant les numéros 79, 80 et 301.
Il existe en fait toute une série de 26 photos d’A. ayant pour cote « A. » suivi de numéros (A.21, etc.) A. a également été reconnu par Serge Garde et d’autres personnes, notamment le docteur Christian Spitz, pédiatre à Paris (cf. attestation du 11.03.2000).
Ces informations sont transmises à la juge d’instruction Ringot, en charge des dossiers liés au CD-ROM.
Les 18 et 20 juillet 2000, C. L. participe au visionnement du CD-ROM à la police genevoise.
Elle reconnaît A. sur deux photographies ayant pour cotes : « news-boys-summ.tree,jpg » et « boys-extra-vesica-07-jpg ».
Les policiers genevois ont pris la déposition de toutes les personnes pensant avoir reconnu des enfants. Les procès-verbaux sont transmis au procureur Bertossa et rejoindront, plusieurs mois plus tard, le dossier d’instruction ouvert en France. Puis : plus rien…
L’affaire des CD-ROM de Zandvoort et le travail d’enquête de Serge Garde donneront lieu également à une grande réunion d’associations de défense de l’enfance le 26 mai 2000 dans les locaux de « L’Humanité » à Saint-Denis, près de Paris. Y participent 14 associations, dont le CIDE représenté par Georges Glatz. Avec elles : des professionnels de l’enfance en danger, des pédopsychiatres, des psychiatres, des avocats, quelques politiques et des journalistes.
Comme le souligne Serge Garde dans « Le livre de la honte », la rencontre a permis de tisser des liens entre les participants. Elle conduira à plusieurs collaborations entre ces associations ainsi qu’entre elles et certains journalistes. Mais guère plus…
Quant à l’issue judiciaire du dossier des CD-ROM, elle est navrante mais sans surprise. Dans leur conclusion, Laurence Beneux et Serge Garde écrivent : « Face aux huit mille cinq cents photos, aux quatre cent soixante-dix portraits d’enfants du fichier Ulrich, les pouvoirs publics sont restés fidèles à leur habitude. Etouffer ou amortir. L’oreiller ou l’édredon. On ouvre des instructions judiciaires lorsque l’on ne peut plus faire autrement, en sachant pertinemment que l’on dispose de différents moyens pour édulcorer ou enterrer la procédure. Des moyens qui ont largement fait la preuve de leur efficacité, y compris dans les affaires politico-financières qui en ont largement bénéficié. Soit on saucissonne l’affaire en de multiples procédures qui ne permettront jamais de rendre compte de la magouille dans son ensemble. Ou bien l’inverse. On concentre toutes les plaintes entre les mains d’un unique magistrat instructeur, qui se retrouve investi d’un pouvoir écrasant et considérable sur un dossier monstrueux… »
L’affaire des mères françaises réfugiées en Suisse
Le CIDE n’a pas cherché à enquêter sur les réseaux pédophiles. Ce sont eux qui sont venus à lui, dès le milieu des années 1990, avec notamment plusieurs affaires dans la région de Nice- Monaco. Elles concernaient au moins trois enfants victimes d’un important et puissant réseau pédophile basé principalement dans le sud de la France. L’une de ces affaires, l’affaire « Kamal », a défrayé la chronique et a été largement médiatisée à l’époque.
Le parcours de ce père, Karim Kamal, est exceptionnel à plus d’un titre. D’abord par l’acharnement et le courage de cet homme dans son combat pour extirper sa fille embrigadée par la mère dans un réseau pédocriminel sur la Côte d’Azur. Malgré de nombreuses expertises et certificats médicaux, Karim Kamal n’obtiendra jamais l’aide de la justice française. Bien au contraire, il subira pressions, menaces, garde à vue arbitraire… Son avocat lui-même, Me Miguel Grattirola, sera en butte aux plus incroyables pressions pour « lâcher » le dossier.
Face à une situation sans issue en France, Karim Kamal s’envole avec sa fille à destination des Etats-Unis, en 1994, pour la mettre à l’abri. Il demande dès son arrivée l’asile politique pour sa fille (âgée alors de cinq ans) et pour lui. Mais la mère, aidée du vice-consul de France, va réussir en deux temps (la première tentative échouera de justesse) un « contre-enlèvement » de la petite, via le Mexique où elle réussit à s’enfuir.
Karim Kamal a été séparé de son enfant depuis lors, sans plus aucune possibilité de la protéger du pire… Piètre consolation et fait tout à fait exceptionnel basé sur les pièces du dossier français : il obtiendra l’asile aux Etats-Unis en 2001.
C’est l’avocat de Karim Kamal, Me Miguel Grattirola, qui prend contact avec le CIDE vers 1995. Constatant notamment des blocages au sein de la presse française (qui peine à aborder ce dossier), l’homme de loi a l’espoir de faire bouger les choses par la Suisse. Le CIDE empoigne le dossier et mobilise ses enquêteurs et experts. La presse suisse est alertée. Un article du «Journal de Genève» (très lu dans certains cercles en France) va notamment recevoir un écho certain dans l’Hexagone.
Des témoignages de mères françaises qui se disent prises au même piège pour avoir voulu dénoncer des abus commis sur leur(s) enfant(s) parviennent aux bureaux du comité à Lausanne. Certaines, désespérées, demandent même la protection du CIDE pour elles et leur(s) enfant(s). Compte tenu de certains dossiers, il semble effectivement urgent et évident de « mettre à l’abri » quelques-unes d’entre elles et les enfants victimes. Le comité s’y emploie, leur trouve toit et protection.
Mais c’est l’emballement. Le bouche-à-oreille fait son œuvre, certaines associations françaises vont aiguiller elles aussi certaines mères vers Lausanne. D’autres mamans débarqueront sans même avertir, avec enfant(s) et bagages. Les médias s’emparent du phénomène, la situation est politiquement délicate (une mère déposera même une demande d’asile officielle), le dossier remonte jusqu’au gouvernement suisse à Berne et le tout devient « l’affaire des mères françaises (réfugiées en Suisse) ».
Le président du CIDE, Georges Glatz, qui a par ailleurs à cette époque des fonctions officielles en matière de protection de l’enfance au sein de l’administration du canton de Vaud, et qui est également député vaudois, est sous pression.
Dans un article du quotidien «24 Heures» (15.08.2002), Anne Giroud, cheffe du Service de la protection de la jeunesse (SPJ) du canton de Vaud, raconte : « Au début, M. Glatz les hébergeait chez des amis à lui et chez des militants de son organisation. Mais ils ont été rapidement débordés par le nombre de femmes qui arrivaient accompagnées de leurs enfants. Il a alors commencé à écrire à beaucoup de monde pour trouver des solutions ».
Et le journal d’expliquer que « Le canton de Vaud a mis en place un groupe de travail. Le SPJ est intervenu et a demandé aux femmes de se signaler. Il a débloqué une aide financière ponctuelle.
L’optique était qu’elles repartent. La justice de paix a aussi désigné un curateur responsable pour défendre les intérêts des enfants. Jusqu’ici, une dizaine de cas ont été signalés au SPJ. Mais les associations qui les défendent estiment que plus d’une vingtaine de mères sont actuellement en Suisse. »
Au cœur de cette « affaire des mères françaises », il y a systématiquement les mêmes « ingrédients » : une mère (parfois un père) qui met en évidence des abus sexuels commis sur son (ses) enfant(s), des procédures judiciaires qui ne permettent pas d’assurer la protection des enfants concernés mais qui, au contraire, maintient le droit de visite, voire donne la garde au père (parfois une mère) abuseur et se retourne contre le parent dénonciateur.
Et pourtant, les nombreux dossiers reçus et examinés au CIDE le prouvent : derrière un certain nombre de ces drames se trouve un groupe de personnes en lien avec une structure pédocriminelle. L’analyse transversale des principaux dossiers réalisée par le CIDE en 2002 l’a montré (lire au chapitre suivant), de même que l’avait déjà prouvé l’identification d’un certain nombre d’enfants sur les CD-ROM de Zandvoort, lors de la séance mise sur pied à la police genevoise en 2000.
De fait, le CIDE – qui n’a toujours eu qu’un seul souci, celui de protéger des enfants – a permis à un certain nombre d’entre eux, en organisant leur hébergement en Suisse, d’échapper aux sévices, souvent innommables, subis au sein d’un groupe pédocriminel. Certains, devenus adultes, sont toujours en Suisse – légalement – en 2012.
Dans leur livre « Le livre de la honte – les réseaux pédophiles » Laurence Beneux et Serge Garde racontent (p. 89) comment ils ont été confrontés aux mêmes situations, au fil des nombreux dossiers étudiés : « Certaines décisions (ndlr : de justice) ne s’expliquent pas. Comment justifier que, face à un enfant qui fait un récit circonstancié, qui présente de nombreux signes cliniques évoquant l’agression sexuelle (…), des juridictions civiles prennent le risque de transférer le droit de garde du parent protecteur (qui n’est pas toujours la mère, précisions-le) vers le parent suspect ? Sans même attendre la fin de l’enquête pénale, dérogeant ainsi au principe que « le pénal tienne le civil en l’état » ? La justification est toujours la même : le parent protecteur donnerait une mauvaise image de l’autre parent, il serait hystérique… et cela nuirait à l’intérêt de l’enfant. Dans quelle mesure la justice nuit-elle à l’intérêt de l’enfant si ce dernier dit vrai ? Si le parent qui dénonce a raison ? Des dossiers instruits entièrement à décharge, avec des expertises qui se perdent, des pièces qui disparaissent, des juges qui s’ajustent une casquette de psychologue, nous en avons trop vu. Parfois, on constate simplement de la négligence ou de l’indifférence de la part de magistrats surchargés de travail dans des tribunaux sinistrés. Les dégâts sont considérables ».
Et rien n’a changé depuis le début des années 2000, comme le démontrent, ici ou là, des affaires médiatisées ces dernières années sur Internet, mais surtout les témoignages recueillis tout récemment encore par le journaliste français Jacques Thomet, qui s’est intéressé particulièrement à l’affaire d’Outreau (voir plus bas). Il écrit sur son blog (http ://www.jacquesthomet.com/) : « En pleine écriture de mon livre sur les conséquences funestes d’Outreau pour les enfants victimes de sévices sexuels en France, je suis submergé de témoignages sur les scandaleux refus par des juges de poursuivre les violeurs présumés de mineurs, preuves à l’appui, et je les dénoncerai un à un, comme j’ai commencé à le faire, pour avoir dans certains cas remis l’enfant victime… à son prédateur. » (15.04.2012).
Trois jours plus tôt, il publiait le témoignage d’une mère baptisée « Marianne », qui se termine par cette conclusion désespérée : « Tant que je ne serai pas morte, il continuera à nous faire du mal. Je demande une seule chose, qu’il me tue et qu’il cesse de faire du mal à mes enfants. Je pense qu’à ce moment-là, la France sera à même de protéger mes enfants. »
On pourrait citer encore d’autres exemples récents, dont un dossier parvenu au CIDE en 2011, celui d’un jeune mannequin employé dans une grande agence parisienne. Un témoignage qui, sous réserve de sa véracité, nous replonge dans le monde des groupes sectaires satanistes.
D’autres affaires dénoncées sur Internet démontrent que ces pratiques se perpétuent sans rien pour les empêcher.
Peut-on établir des liens entre les nombreux dossiers ?
C’est la question que se pose le CIDE en 2002, face à l’amoncellement des affaires qui parviennent sur ses bureaux à Lausanne. Il décide alors de mandater un journaliste pour tenter d’y répondre. Objectif visé : établir si des liens peuvent être confirmés entre ces différents dossiers par des analyses transversales. Le but est d’étayer la thèse de l’existence de réseaux pédocriminels français (avec connexions internationales) à caractère commercial et/ou satanique, de mieux les cerner, mais aussi d’apporter (si possible) des éléments permettant de soutenir des procédures en cours ou à venir dans certains des dossiers examinés.
L’enquêteur réalise dans un premier temps un travail de synthèse informatique de ces dossiers, base indispensable aux analyses à venir. Il entreprend ensuite une opération de recoupement entre les différents dossiers, recueille des témoignages complémentaires en collaboration, notamment, avec un commissaire français à la retraite, mène certaines investigations pour tenter d’identifier des lieux décrits par les enfants. Une partie de ce travail a été faite dans la région parisienne à fin juin 2002.
Après plusieurs mois de travail, l’enquêteur remet un rapport au comité le 15.07.2002.
Il a pu établir une liste précise de plusieurs dizaines de liens entre des affaires qui, à l’origine, ne semblaient n’en avoir aucun – ne serait-ce que par les régions parfois très éloignées dans lesquelles elles ont vu le jour. – Ces liens sont établis par un certain nombre de faits, mais surtout par de nombreux témoignages (d’enfants abusés ou d’adultes qui les défendent) tendant à confirmer très clairement l’existence de connexions entre la plupart des dossiers.
Mais force est de constater qu’il n’est toujours pas possible de pouvoir prouver de manière irréfutable les liens entre ces différents dossiers (hormis les certitudes quant à l’utilisation d’un certain nombre d’enfants dans des filières de pédophilie à caractère commercial), tout comme il n’est pas possible (malgré les nombreux témoignages concordants des enfants) d’apporter la preuve de l’existence de pratiques sataniques avec tortures et sacrifices d’enfants. Il manque des preuves irréfutables, qui pourraient être notamment du matériel photo et vidéo, que certains témoins ont promis mais jamais transmis…
Cela nécessiterait un travail d’enquête supplémentaire important, que le CIDE n’est pas en mesure de réaliser, et pour cause : il s’agit d’un travail de police. Celui, précisément, que la police n’a pas fait (ou mal) – quelle(s) qu’en soi(en)t la ou les raison(s). – En fait, seule une structure policière serait à même d’apporter les preuves, sur la base d’informations comme celles qui sont à cette époque en main du CIDE et d’autres organisations.
L’affaire Alègre, ouragan sur Toulouse
Plus personne, aujourd’hui en 2012, ne parle de l’affaire Alègre, ou affaire Alègre-Baudis, devenue un temps l’affaire Baudis.
L’affaire Alègre devient l’affaire Baudis le 18 mai 2003 à 20h00, sur «TF1». Alors que personne ne sait encore que son nom est mêlé à l’affaire Alègre, Dominique Baudis, président du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) à cette époque, évoque en sueur et face à Claire Chazal « une effarante machination montée de toutes pièces » contre lui.
La France entière apprend alors que le nom de l’ancien maire de Toulouse est associé à celui qui est connu pour être un tueur en série jugé et condamné en 2002 : Patrice Alègre, et que des prostituées le mettent en cause dans des soirées sadomasochistes de la Ville Rose où il est question de viols de mineurs, de meurtres, de trafic de cocaïne et de valises d’argent.
La « bombe » lâchée sur Dominique Baudis va entraîner un déchaînement médiatique et une course au « scoop » conduisant parfois la déontologie journalistique sur d’étonnants chemins de traverse, parfaitement décrits par Gilles Souillés, journaliste à La «Dépêche du Midi», dans son livre-enquête « Affaire Alègre – La vérité assassinée » (éditions Hugo & Compagnie, 2007.)
En fait, tout est parti du travail d’enquête d’un gendarme, Michel Roussel, à la tête de la cellule « Homicide 31″ créée en 2000 pour tenter d’élucider un certain nombre de crimes impunis (une partie des 191 recensés ultérieurement par une association !) et potentiellement liés dans le département. Il va se plonger dans « ce maquis d’enquêtes enterrées, ou sabotées », comme l’écrit Gilles Souillés. « Peu à peu, un autre visage du tueur en série se dessine. Via le profil des victimes, on s’aperçoit que Patrice Alègre a effectivement été très proche des milieux de la prostitution ». Et notamment du proxénète Lakhdar Messaoudène, pour qui Alègre joue, notamment, le rôle de fournisseur de drogue et de « correcteur » des prostituées rebelles.
Progressivement, Alègre va ainsi passer « du psychopathe solitaire à l’homme de main » (sous-titre de l’un des chapitres de l’ouvrage). « En février 2002, le procès avait laissé de lui l’image d’un psychopathe solitaire livré à ses démons. Les réponses biaisées de l’accusé, certes, mais aussi l’organisation des débats avaient contribué à entretenir ce mythe ».
L’affaire va basculer – côté enquêteurs – début 2003, lorsque deux anciennes prostituées (qui seront ultérieurement baptisées « Patricia » et « Fanny » dans les médias) sont retrouvées par les gendarmes et parlent. L’une d’elles dit avoir assisté au meurtre d’une collègue et évoque l’existence d’un système de protection policière en vigueur sur les trottoirs toulousains et bénéficiant directement à Lakhdar Messaoudène et Patrice Alègre. Elle dénonce certains policiers venant régulièrement chercher des enveloppes de liquide. L’autre explique qu’elle a été abusée à plusieurs reprises par des magistrats dont l’un est présenté comme son amant régulier.
Plus encore, les deux femmes évoquent des « soirées spéciales », raconte Gilles Souillés. En termes clairs, des partouzes à connotation sadomasochistes saupoudrées de cocaïne, organisées pour une bonne société toulousaine en quête de sensations fortes, et pour lesquelles le tueur en série aurait servi de pourvoyeur.
Et des noms commencent à émerger au fil des témoignages – dont celui, précisément, de Dominique Baudis – mais aussi de l’ancien substitut toulousain Marc Bourragué (alors à Montauban) ou du procureur général de la cour d’appel Jean Volff.
Aucun nom ne sort encore dans les médias, mais tout le monde sait déjà… Le dossier s’enrichit de nouveaux patronymes, mais la justice n’affecte pourtant pas d’effectifs supplémentaires à la cellule « Homicide 31″ qui en aurait grand besoin.
C’est à ce moment-là que tombe l’intervention télévisée de Dominique Baudis…
Les médias se déchaînent, les informations, détails, nouveaux témoignages s’additionnent dans la plus grande confusion. Un travesti surnommé « Jamel » apparaît sur «TF1» puis «France 2», confirmant tout et rajoutant au passage d’autres détails, d’autres noms. Il est désormais question d’enfants enlevés et abusés, de cassettes vidéo pour faire chanter des personnalités.
Depuis sa cellule, Patrice Alègre s’y met à son tour : dans une lettre à Karl Zéro, (« Vrai journal » sur «Canal+»), il reconnaît les meurtres de la prostituée Line Galbardi (dont parlait Patricia) et d’un travesti dénommé Claude Martinez (qui filmait les ébats de ses partenaires…). Il nomme un policier comme étant le commanditaire du premier homicide et cite Marc Bourragué et Dominique Baudis comme les personnes qui lui auraient demandé de « faire taire » le travesti Claude Martinez.
De péripéties en rebondissements, d’affirmations en dénégations, l’affaire part dans tous les sens.
Mais, comme l’écrit Gilles Souillès : « Les mensonges et les exagérations délirantes du jeune travesti (Djamel) vont atomiser l’enquête. » Il finit par affirmer avoir tout inventé… Du coup, la parole des ex-prostituées est, elle aussi, mise en doute, « et partant, toute l’affaire vacille ».
Mais le journaliste s’interroge : « Le travesti a-t-il pu être manipulé pour faire diversion ? Et par qui ? S’il s’agit d’un stratagème, il a parfaitement fonctionné ». Djamel mourra peu après en prison « dans des conditions très particulières »… Son avocat n’aura droit à aucune information précise et aucune autopsie ne sera effectuée.
De fil en aiguille, d’article en article, on en apprend tout de même toujours plus sur les nombreuses défaillances de la police et de la justice toulousaine au fil des ans et des meurtres.
Ainsi, «Le Figaro» du 18 juin 2003 écrit : « En épluchant les dossiers des homicides commis par Alègre, apparaît une succession de fautes professionnelles des policiers, d’erreurs flagrantes des magistrats et de disparition de pièces cruciales pour l’enquête. »
Gilles Souillés, lui, constate : « Complot, manipulation, montage, règlement de compte : pour Dominique Baudis, Marc Bourragué et Jean Volff, l’apparition de leurs noms respectifs dans le dossier résulte d’une gigantesque conspiration complaisamment relayée par un ou des médias. Mais si leurs avocats dénoncent l’absence de matérialité des faits qui salissent l’honneur de leurs clients, la matérialité du complot brandi comme explication tarde aussi à se faire jour. Par ailleurs, l’affaire Alègre est bien réelle dans les faits : des meurtres non élucidés par la police, des autopsies bâclées, des suicides qui se révèlent être des meurtres, des viols sans auteur, et un tueur en série qui vole des voitures, trafique de la came, porte des armes, castagne sa concubine sans jamais être inquiété. Autant de questions qui n’ont toujours pas de réponse. »
Et plus loin (p. 223) : « Comment peut-on expliquer l’apathie de la justice toulousaine pendant toutes ces années sinon par la connivence de certains acteurs ? (…) Alors justice sous influence ? C’est toute cette omertà, ce monde de connivences et d’arrangements qui remontent aujourd’hui à la surface avec l’affaire Alègre et son cortège de dysfonctionnements. Peut-on attendre de cette justice-là qu’elle aille jusqu’au bout dans l’exhumation d’un passé aussi encombrant ? »
Pour constater finalement (p. 265) : « Mais la justice est passée. Sans répondre. Fin 2005, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Toulouse a confirmé le non-lieu général ordonné par le juge Perriquet, dans le volet « viols et proxénétisme » de l’affaire Alègre ». (p. 271) : « Le tourbillon médiatico-judiciaire apaisé, une lourde chape de plomb est retombée sur le dossier. (…) »
Comme le souligne l’éditeur en préambule, le livre-enquête de Gilles Souillés déborde largement sur un ensemble de faits qui, au cours des années, a impliqué énormément d’acteurs régionaux et nationaux. (…) Le livre « soulève un nombre important d’interrogations auxquelles la justice n’a pas pu pour le moment apporter de réponses satisfaisantes » et repose « toutes les questions restées sans réponse ».
Depuis 2007, à notre connaissance, la justice française n’a plus progressé sur ce dossier. Patrice Alègre est toujours derrière les barreaux, mais est redevenu un « tueur en série » isolé. Malgré son rôle central démontré dans le milieu des « nuits toulousaines » et ses accointances avec les milieux policiers, judiciaires et politiques.
Il est intéressant de souligner ici que le nom de Dominique Baudis est parvenu jusqu’au CIDE en 2002 (donc avant que son nom et les accusations contre lui n’apparaissent dans le dossier Alègre en 2003) via l’affaire A. M. (D.), du nom d’un enfant de 11 ans à l’époque, victime d’abus de la part de son père et d’autres personnes au sein d’un groupe.
A. a été reconnu par sa mère sur le fichier de visages tiré des CD-ROM de Zandvoort consulté auprès de la gendarmerie française en juillet 2000, puis par ses grands-parents maternels sur 14 photos des CD-ROM visionnés lors de la séance avec la police genevoise. Il est donc avéré qu’A. a bel et bien été abusé, et que le/les abuseurs sont ou ont été en contact avec une organisation pédocriminelle.
Or, selon les témoignages de la mère et des grands-parents maternels d’A., recueillis au CIDE, le père de l’enfant aurait dit un jour à sa belle-mère qu’elle ne pourrait de toute façon rien faire contre lui parce qu’il était protégé par Dominique Baudis. Mais pourquoi donc celui qui n’est qu’un « simple » voyageur de commerce bénéficierait-il de la protection du maire de Toulouse ? Et pourquoi en aurait-il besoin ?
Outreau et la parole des enfants
Aujourd’hui, l’affaire dite « d’Outreau » résonne comme l’une des erreurs judiciaires majeures que la France ait connues.
Comme le résumait à l’époque le quotidien «La Voix du Nord», tout débute en mai 2001 avec l’arrestation de dix personnes, mais elle « éclatera » véritablement dans la presse régionale en novembre 2001 et dans le reste de la presse au tout début 2002.
Elle a pour cadre un quartier de la localité d’Outreau, près de Boulogne-sur-Mer dans le Pas-de-Calais, et plus précisément, un complexe locatif baptisé « La Tour du Renard ». Au dernier étage, une famille dont les parents sont en détention depuis mai 2001. Les quatre enfants ont été placés.
Le père, homme violent, est aussi collectionneur d’ossements. Il avait fouillé, il y a quelques années, la fosse commune du cimetière de l’Est. Les faits ont débuté chez cette famille. Ils filmaient leurs propres enfants, le mari proposait même des cassettes X aux voisins. Il y avait beaucoup d’allées et venues chez eux. La famille s’entendait bien avec son voisin de palier, décrit comme zoophile, et un couple du 4e, également en prison, dont les quatre enfants ont aussi été placés. Au 3e, encore des « amis » dont les quatre enfants ont été retirés à leurs parents. Le premier étage était aussi un lieu de rendez-vous, chez une dame seule. Là, des hommes, qui seront également emprisonnés, abusaient de ses enfants. Mais il y avait d’autres choses curieuses, comme ce chauffeur de taxi qui stationnait souvent au bas de l’immeuble. On sait aujourd’hui qu’il venait généralement « au moment des allocations », et embarquait la famille du 5e et leurs enfants pour la Belgique… On parle aussi de cette voiture d’une boulangère de l’arrière-pays, qui fréquentait le dernier étage… Il y avait aussi le prêtre, l’huissier…
L’affaire a éclaté grâce à l’alerte donnée par un enseignant d’une école du quartier, début 2001. Des élèves de maternelle ont un comportement bizarre. Les services sociaux vont alors enquêter. Quelques semaines plus tard, six enfants de deux familles du quartier sont retirés à leurs parents.
Ils commenceront à parler, au début de l’été.
Une information judiciaire a été ouverte le 22 février 2001. Au total, seize personnes seront mises en examen. Et la garde de 24 enfants entre quatre et douze ans a été retirée à cinq familles plus ou moins impliquées dans l’affaire.
Le journal «La Voix du Nord» écrit alors que « tout semble indiquer que cette vague d’arrestations ne constitue que la partie visible de l’iceberg. »
Le réseau fonctionnait depuis quatre ou cinq ans, selon les enquêteurs. Les enfants auraient notamment servi de « monnaie d’échange » pour annuler des dettes. Et l’affaire, écrit le quotidien, pourrait prendre encore de l’ampleur, s’étendre à toute la région et la Belgique. Elle pourrait aussi concerner le milieu médical.
Depuis l´éclatement de cette affaire, des dizaines de personnes ont été citées et impliquées dans ce qui est présenté alors comme l’une des plus importantes affaires de pédophilie jamais connues en France. Au final, dix-huit personnes sont accusées, l’une d’entre elles se suicidera pendant son incarcération préventive. Toutes les affirmations des enfants concordent, le dossier judiciaire semble parfaitement solide. On se dirige vers un procès qui ne peut aboutir qu’à de sévères condamnations des principaux protagonistes.
Ce procès se déroule devant la Cour d’assises de Saint-Omer (Pas-de-Calais) du 4 mai au 2 juillet 2004. 17 personnes se retrouvent donc sur le banc des accusés.
Mais le 18 mai, coup de théâtre devant le tribunal : l´accusée principale, Myriam Badaoui, met hors de cause les quatorze accusés clamant leur innocence, alors qu´elle les impliquait inlassablement et avec force depuis le début de l’affaire en 2001. Elle fond en larmes en s´adressant à Roselyne G., une boulangère qu´elle accusait jusqu´alors : « Tu n´as rien fait », lui crie-t-elle. « Je suis une malade, une menteuse. J´ai menti sur tout ». Dans la foulée, Myriam Badaoui disculpe les autres accusés, hormis son mari et un couple de voisins qui reconnaissent les faits de viols et violences sur les enfants des deux couples.
Du coup, une autre accusatrice, Aurélie Grenon, appelée à la barre, fait elle aussi son mea culpa : « Ben en fait… quand j´ai accusé ces personnes c´est parce que j´ai entendu Myriam les citer et je sais que c´est pas bien. C´était sur sa demande », déclare-t-elle…
Or l´instruction du dossier, menée par le juge Burgaud, reposait essentiellement sur les accusations avancées par le duo Myriam Badaoui et Aurélie Grenon, ainsi que sur la parole apportée par dix-huit enfants.
Le verdict est rendu le 2 juillet 2004. Sept personnes sont définitivement reconnues innocentes des faits qui leur étaient reprochés. Gérald Lesigne, procureur de la République de Boulogne-sur-Mer et avocat général à Saint-Omer, avait requis leurs acquittements, reconnaissant qu’il s’était lourdement trompé dans ce dossier.
Quatre des 13 accusés qui proclamaient leur innocence sont condamnés à des peines couvrant la détention provisoire qu’ils avaient déjà effectuée, et deux d’entre eux seront emmenés en prison pour effectuer le solde des peines qui avaient été prononcées par cette cour d’assises. Mais quelques jours plus tard, ils retrouveront leurs familles, après une ultime demande de remise en liberté. Six condamnés à tort feront appel de la décision rendue à Saint-Omer.
Les quatre accusés qui avaient reconnu leur culpabilité sont condamnés : 15 et 20 ans de réclusion criminelle pour le couple Badaoui-Delay (les principaux accusateurs) pour viols, agressions sexuelles, proxénétisme et corruption de mineurs; et 4 et 6 ans de détention pour le couple de voisins.
Le procès en appel de six des dix personnes condamnées en première instance se déroule à la Cour d’assises de Paris en novembre 2005. Dès les premiers jours, l’accusation s’effondre suite aux aveux de la principale accusatrice, Myriam Badaoui. Celle-ci déclare le 18 novembre que les six appelants « n’avaient strictement rien fait » et qu’elle avait menti. Son ex-mari, Thierry Delay, soutient ses déclarations.
Le 1er décembre 2005, c’est un verdict d’acquittement général qui est rendu pour l’ensemble des six accusés.
Le scandale est tel que certains médias évoqueront « un Tchernobyl judiciaire »… Les acteurs judiciaires, avec en tête le juge d’instruction Burgaud, sont cloués au pilori, tout comme les experts, mais aussi les médias et certains politiques.
Une commission d’enquête parlementaire est mandatée en décembre 2005 pour analyser les causes des dysfonctionnements de la justice et envisager des réformes du fonctionnement de celle-ci. Elle n’aboutira à vrai dire qu’à des résultats fort modestes.
Reste donc l’image de malheureux adultes innocents qui ont vécu le martyre, de magistrats et d’experts scandaleusement incapables et… de 18 enfants qui ont donc tous menti sur l’essentiel des faits et accusations (à l’exception des faits pour lesquels quatre accusés ont été condamnés).
Point final. Le silence retombe sur Outreau. Jusqu’en 2011…
Alors qu’une fiction à la gloire des malheureux adultes innocentés, victimes d’une machination infernale, sort sur les écrans, les choses commencent à frémir sur Internet.
Des voix se lèvent enfin pour dénoncer. Dénoncer quoi ? Un invraisemblable enterrement : celui de la parole des enfants.
En 2011, le journaliste français Jacques Thomet, ancien de l’AFP, longtemps correspondant en Amérique latine et célèbre, notamment, pour ses enquêtes autour de l’affaire Ingrid Betancourt en Colombie, reprend toute l’affaire à zéro, autour des enfants et de leurs témoignages, précisément.
Il conte au fil des mois l’évolution de son enquête sur son blog, http ://www.jacquesthomet.com/
En novembre 2011, alors que Myriam Badaoui vient d’être libérée après avoir purgé dix de ses quinze années de condamnation, il écrit : « Le scandale de pédophilie à Outreau va rebondir et frapper tous les pouvoirs pour leur appui aux prédateurs. Je prends date ici solennellement (ce qui n’est pas dans mon habitude) pour vous assurer d’un imminent coup de théâtre dans l’affaire des enfants violés à Outreau. Je n’en dis pas plus, si ce n’est que tous les pouvoirs français vont en subir les conséquences, toutes couleurs politiques confondues. (…) Les procès d’Outreau en 2004-2005 ont permis, via une presse complice des avocats de la défense, d’acquitter 13 des 17 accusés. Ils ont été acquittés, mais non pas innocentés, sous la pression médiatique de journalistes qu’il conviendra, le jour voulu, de remettre à leur place, qui ne vaut pas bien cher. »
Sur son blog et dans l’attente de la publication du livre qu’il écrit sur l’affaire d’Outreau, Jacques Thomet dresse un « effrayant bilan » basé notamment sur l’étude des 3000 cotes (plus de 10.000 pages) du dossier judiciaire.
« Les détails de cette horreur cachée seront révélés dans mon livre à venir sur les conséquences de ce procès inique conclu au profit de prédateurs, aux dépens des mineurs violés, avec pour résultat, depuis 2005, la négation de la parole des enfants victimes dans les prétoires en France. Au moins 53 enfants ont été la proie d’adultes à Outreau avant les procès de 2004 et 2005 aux Assises (Saint-Omer, puis Paris en appel). Seuls 12 de ces martyrs ont été reconnus comme victimes et indemnisés, à hauteur de 30.000 euros chacun, contre 240.000 euros en moyenne pour les 13 accusés finalement acquittés. Seuls 4 adultes ont été condamnés à des peines de prison, dont Myriam Badaoui-Delay, libérée en septembre 2012. À cause de ce déni de justice, les drames se sont multipliés en France depuis Outreau, avec des mères désormais privées de leurs enfants violés, que les autorités remettent à leurs prédateurs après leurs plaintes. Il est temps que prenne fin un tel scandale. Ce sera l’axe de mon livre. »
Le journaliste – qui précise qu’il ne remet pas en cause des jugements rendus – n’est pas seul à se lancer dans cette réhabilitation de la vérité judiciaire.
Une experte au procès d’Outreau (elle a suivi 15 des 17 enfants reconnus victimes dans un premier temps) Marie-Christine Gryson, fait entendre sa voix depuis quelque temps déjà pour défendre celle des enfants d’Outreau (voir son blog : http ://blogs.mediapart.fr/blog/marie-christine-gryson ). Elle a écrit un livre en 2009 « Outreau, la vérité abusée – 12 enfants reconnus victimes », aux éditions Hugo & Cie.
Serge Garde, le grand enquêteur de l’affaire des CD-ROM de Zandvoort, a recueilli de son côté le témoignage de l’une des victimes d’Outreau, Chérif Delay, aujourd’hui adulte – qui maintient et précise ses accusations. – « J’aurais pu sauver mes frères et les autres enfants si j’avais parlé plus tôt, mais j’étais menacé de mort. J’ai été lâche », crie celui qui avait 15 ans lorsqu’il a témoigné à la barre et a été traité de menteur après le procès.
Le témoignage de Chérif (il s’appelait Kevin à l’époque mais a souhaité changer de prénom) a donné lieu à un ouvrage commun « Je suis debout : L’aîné des enfants d’Outreau sort du silence », publié par Le Cherche Midi au printemps 2011. Il est également la trame d’un film (avec Jean-Marie Garcia) « Outreau, l’autre vérité », présenté en avant-première début 2012, mais toujours pas sorti dans les salles, à notre connaissance, en octobre de la même année.
Jacques Thomet, lui, espérait publier son livre dans le courant de l’année 2012. C’était compter sans le « lâchage » de son éditeur français, puis de l’éditeur suisse qui s’étaient dit prêts à le publier. A chaque fois, ce sont des avis de droit pris auprès d’avocats qui ont fait reculer les éditeurs.
L’affaire d’Outreau a eu des conséquences incommensurables. Mais la pire est bien la décrédibilisation de la parole des enfants. Pendant des dizaines d’années, de gros efforts avaient été réalisés dans la prise en charge et l’écoute des enfants victimes d’abus sexuels. Aujourd’hui, tout semble à reconstruire. Mais ressort surtout l’impression d’une gigantesque manipulation. On aurait voulu en arriver à ce résultat – réduire définitivement à néant la parole des enfants abusés - qu’on n’aurait pas pu réussir de plus belle manière. Mais quels sont ceux qui auraient eu intérêt à cela ? Et comment y seraient-ils parvenus ? Ce n’est qu’une hypothèse : une gigantesque machination.
Les dossiers du CIDE, en tout cas, permettent d’esquisser une liste de ceux (magistrats, avocats, pédopsychiatres, politiques, etc.) qui, au fil des années, au fil des affaires, œuvrent inlassablement à minimiser, étouffer, enterrer; à victimiser les criminels et criminaliser les parents défenseurs; à décrédibiliser ou écarter la parole des enfants. Pour qui ? Pourquoi ?
Un « détail » encore, dans toute cette affaire d’Outreau : deux des acquittés, le couple Franck et Sandrine Lavier, ont été condamnés en février 2012 à dix et huit mois de prison avec sursis pour « violences habituelles sur deux de leurs enfants ». Ils ont été en revanche relaxés du chef de corruption de mineurs pour lequel ils étaient également poursuivis. Le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais) a jugé que ces faits de corruption étaient « moralement répréhensibles », mais qu’il n’y avait pas d’infraction pénale. Une vidéo diffusée au cours du procès montrait notamment des scènes d’actes sexuels mimés en présence d’enfants…
L’horreur au quotidien : c’est quoi la pédophilie dont on parle ?
Dans son ouvrage « Viol d’anges – Pédophilie : un magistrat contre la loi du silence » (Calmann-Lévy), la substitut du Procureur française Martine Bouillon précise d’emblée ceci (p. 16) : « La définition du pédophile recouvre en réalité une multitude de personnes extrêmement différentes, confrontées à des situations très dissemblables. Si certains vont directement, dès qu’ils reconnaissent avoir des « tendances », consulter un psychiatre ou tout autre thérapeute, d’autres, sans doute les plus nombreux, ne sont recensés nulle part. Ils passent à travers les mailles de tous les filets sociaux, ne sont jamais démasqués, et par définition, on ne saurait dire combien ils sont. En droit, nous appelons cela le « chiffre noir ».
Le tonton qui s’amuse à touche-pipi, le moniteur scout ou l’entraîneur de foot qui profitent des douches pour « faire des choses » avec des adolescents… Pour la plupart d’entre nous, la pédophilie c’est ça et c’est déjà inexcusable. Mais, bon an mal an, la justice s’occupe plutôt bien de ces affaires et condamne les coupables.
Ce dont on parle ici (depuis le début de ce récit) n’a rien à voir. On parle de victimes de tous âges, dès les premiers mois, les premières années de vie… On parle d’abus sexuels les plus extrêmes (comment donc violer un(e) gosse de trois ans ? Et pourtant…), on parle de véritables objets sexuels embrigadés, parfois durant toute leur enfance, dans des réseaux, on parle de tortures, de sadisme, de croyances et donc de rituels sataniques, on parle de sang humain, on parle de meurtres, de sacrifices…
Un exemple, parmi tant d’autres :
En mars 1988, l’industriel italien Alessandro Moncini, membre important de la fameuse loge maçonnique P2 de Licio Gelli, est arrêté en Californie. Il avait été mis sur écoute par le FBI et l’audition d’un extrait d’une conversation téléphonique entre Moncini et un interlocuteur non identifié fut demandée par le juge lors de son procès :
- Moncini : Que puis-je faire à ce petit animal (il évoque une fillette mexicaine) ?
- Interlocuteur : Tout.
- Moncini : Je peux l’enchaîner ?
- Interlocuteur : Bien sûr.
- Moncini : La fouetter ?
- Interlocuteur : Oui.
- Moncini : Je peux lui faire bouffer de la m… ?
- Interlocuteur : Je ne sais pas…
- Moncini : Pisser dans sa bouche ?
- Interlocuteur : Oui, je pense…
- Moncini: Enfoncer des aiguilles dans ses mamelons ?
- Interlocuteur : Oui…
- Moncini : Et si le petit animal vient à être cassé… Je veux dire blessé… ?
- Interlocuteur : Faites disparaître le corps…
- Moncini : Et cela va coûter combien ?
- Interlocuteur : 5000 dollars.
Alessandro Moncini encourait une peine de prison de trente ans. Il fut condamné à… trois mois fermes pour avoir importé du matériel pédopornographique.
Pourtant d’après les informations reçues par le quotidien italien « La Repubblica », l’affaire impliquait un réseau mondial, comme le rappelle un bloggeur belge (http ://intrgalaktiklyon.wordpress.com/2011/07/19/la-franc-maconnerie-a-interet-a-nettoyer-les-ecuries-daugias-maintenant/) :
« L’affaire Moncini s’avéra impliquer un réseau mondial d’esclavage et de meurtres d’enfants, au service d’une aile ouvertement satanique de la jet set aristocratique transatlantique. Au moins l’une de ses conversations s’est déroulée avec Anthony Crowley, un magnat américain du porno. L’on pouvait y entendre Moncini négocier l’acquisition de jeunes filles destinées à être fouettées, enchaînées, sodomisées avant d’être assassinées, durant ce que « La Repubblica » a décrit sous le doux euphémisme de « nuit satanique ».
Richard Lew, le juge qui instruisit le procès, a refusé que ces conversations enregistrées soient admises comme preuves. Une condamnation de Moncini sous le sceau du U.S. Child Protection Act [loi anti-pédophilie américaine] eût pourtant valu à celui-ci une peine de prison ferme pouvant aller jusqu’à 30 ans, ainsi qu’une amende d’un million de dollars. Peut-être le juge Lew a-t-il été sensible aux lettres de recommandation en faveur de Moncini qui lui sont parvenues de près de 40 membres proéminents de l’establishment triestin, et ce compris l’évêque catholique de Trieste et le vice-président de la région de Trieste.
Nullement dépités par la faible réprimande adressée à Moncini par les tribunaux US, deux policiers d’élite de Trieste auraient traversé l’Atlantique à la recherche de preuves d’un cercle extrêmement fermé de pédophiles internationaux, réputé protégé par des loges secrètes dans les plus hautes branches de la franc-maçonnerie internationale (soit les ordres chevaleresques).
Autre exemple : dans le cadre de l’affaire Dutroux, le détective privé belge Michel Thirion est chargé par les parents de Julie et Mélissa (alors portées disparues) de retrouver leur piste. Ses enquêtes (qui se poursuivront après la mort avérée des filles) vont le mener vers une filière de « snuff movies » (films avec mort réelle d’enfants) aux Pays-Bas. Il a raconté à Jean Nicolas et Frédéric Lavachery (« Dossier pédophilie, le scandale de l’affaire Dutroux ») sa rencontre avec un Anglais propriétaire d’une péniche à Amsterdam (p. 49) : « L’Anglais me propose alors ce qu’il a de meilleur : la mise à mort d’enfants. Il s’agit d’embarquer à plusieurs sur sa péniche, de prendre la mer et de se satisfaire sexuellement avec un gosse avant que ce dernier ne soit jeté à l’eau, m’explique l’Anglais. »
Acheter un enfant, le violer, le torturer, l’assassiner… Pour la plupart d’entre nous, et même si nous parvenons à nous faire à l’idée que cela existe, c’est une barbarie incommensurable qui défie toute explication. Dans son livre, Martine Bouillon avance une piste, une tentative d’explication (p. 52) : « Maintenant, on s’offre une extase avec l’interdit des interdits, le tabou des tabous, le viol puis le meurtre de l’enfant. Après avoir connu cela, on peut mourir, on a vécu une vie « bien remplie », on a « tout essayé », y compris l’impensable, l’indicible, l’insurmontable. »
Dans les dossiers du CIDE relatant des faits liés à des pratiques et rituels sataniques, les descriptions sont tout aussi édifiantes, si ce n’est plus…
O., lors des auditions puis devant les caméras de « FR3 » (émission « Paroles d’enfants » mars 1999, voir plus bas), évoque notamment des têtes d’enfants sur des piques, des bras et des mains coupées…
Parmi de nombreuses descriptions en tout genre faites par V. L., qui a passé toute son enfance dans ce milieu, on peut noter par exemple ceci :
« Les enfants étaient aspergés avec le sang d’un chat égorgé, sang mis dans un ciboire sur un autel recouvert d’une nappe. Ils ont coupé les pieds d’un petit enfant au couteau, puis les doigts, et l’ont égorgé. Une autre fois, ils ont arraché le tibia d’une petite fille pour la violer avec et l’ont tuée ensuite. Ils faisaient disparaître les corps en les mettant dans de l’acide et en les brûlant. A la fin des cérémonies, les enfants étaient réveillés à coup de seau d’eau. »
D. N., début 2002, évoque les sacrifices d’enfants et décrit « les mains et les pieds coupés », puis « un tibia arraché et enfoncé dans l’anus de l’enfant »…
Ardèche : dans la « Maison-Rouge », V. se souvient de pots avec des mains coupées (mains d’enfants dans du liquide transparent), sur les étagères dans le souterrain de la maison…
Dans chaque dossier, les actes les plus inimaginables, l’horreur la plus incommensurable, les faits les plus indicibles, les plus incroyables… Incroyables : la fameuse opposition entre « croyants » et incroyants », entre ceux qui finissent par se faire à l’idée que tout cela existe bel et bien et ceux qui n’y parviennent pas ou s’y refusent…
La filière sectaire sataniste
Dans « L’Enfant sacrifié à Satan » (Filipacchi, 1997), Bruno Fouchereau raconte l’histoire de Samir Aouchiche, enfant « survivant » d’un mouvement satanique doublé d’un réseau pédophile international, dont tombe amoureux un homosexuel et pédophile nommé Willy Marceau. Tous deux (et d’autres victimes) témoignent de leurs années noires, le second tentant, mais vainement, pendant toutes ces années et au péril de sa (leur) vie, de sauver et protéger le premier.
Il s’agit de l’Alliance Kripten, alias l’Institut Abrasax, alias Planète Uranus (à moins que ces trois appellations recouvrent plutôt différentes émanations d’une entité supérieure (certains évoquent la Golden Dawn (ou Aube dorée), l’Ordo Templi Orientis ou les Illuminati).
Rapide descente vers l’horreur :
« De 1985 à 1988, Michel et quelques-uns de ses camarades, tous débiles légers ou autistes, eurent à subir les tortures les plus infâmes que des adultes puissent infliger à des enfants ». » (…)
« Lors de ces orgies sadiques (…) On les obligeait à boire un liquide rouge qui leur faisait tourner la tête. (…) Michel affirme avoir assisté à un rituel au cours duquel une petite fille de huit ans aurait été sacrifiée par le feu après avoir été violée ». (p. 15).
Mais lorsque Willy Marceau commence à évoquer à Bruno Fouchereau les liens entre Kripten et certains membres de la brigade des mineurs et de la magistrature parisienne (p. 22-23), « je ne pus m’empêcher d’être un peu sceptique », écrit l’auteur. « Plus tard, lorsque je rencontrai enfin Samir Aouchiche et qu’il me confirma ces accusations, j’hésitai encore à le croire… Ce sont trois autres affaires de pédophilie – révélées par la presse en janvier 1996 – et l’étude précise que j’en fis par la suite, qui vinrent corroborer les conjectures que seul le témoignage de Samir m’avait permis d’élaborer. L’expérience de Samir n’était pas la seule à révéler cette terrible réalité de notre société. Désabusé et inquiet pour notre démocratie, je balayai alors tous mes doutes.
Voilà les faits qui me firent réagir ainsi : en septembre 1995, le Comité international pour la dignité de l’enfant se vit contraint de dénoncer publiquement le système judiciaire français et plus précisément encore un parquet de la région niçoise. Le CIDE venait d’enquêter sur plusieurs cas d’enfants victimes d’abus sexuels. (…) Les témoignages de trois d’entre eux, Florian, Laurianne et Aurore, entendus pour des affaires différentes, faisaient état de réunions très similaires où de nombreux adultes venaient pour abuser d’eux sexuellement. (…) Le petit Florian raconta que, dans des villas de Paris et de Nice (…) les adultes tout nus et masqués m’obligeaient à boire un liquide rouge qui me faisait tourner la tête… puis à prendre le zizi des grandes personnes dans la bouche… »
Samir Aouchiche (p. 131-133) « ne cesse de se repasser encore et encore les scènes de violence dont il a été témoin pendant les jours et les nuits qu’il a passés dans cette église désaffectée et profanée. Le visage de cette petite fille de onze ans, par exemple. (…) Puis l’homme grimé se jette sur l’enfant et, à l’aide d’un petit scalpel, entreprend de lui lacérer le dos. Des fines et longues blessures – au moins cinq ou six -, le sang ruisselle sur la table, puis dans des rigoles prévues à cet effet. Deux assesseurs recueillent le liquide encore chaud dans des calices pendant que l’homme grimé, après l’avoir saignée, viole la fillette. (…) » La grande prêtresse, surnommée « L’Empereur », boit alors une gorgée puis la coupe est présentée au père de l’enfant qui boit lui aussi. Enfin, tous les autres font de même ».
« Ce rituel fut donné au cours de la première nuit, et chacune des suivantes fut l’occasion d’un autre du même genre. Le second soir, on étouffa rituellement un petit garçon avant de le sodomiser. (…) Au cours de la troisième soirée, une petite fille dut satisfaire l’appétit sexuel d’un chien… Toutes les cérémonies donnèrent lieu à d’immondes parties de débauche. (…) Pendant ces trois jours, Ondathom n’arrêta pas de filmer et de prendre des photos. Il n’était pas le seul. Un homme brun, barbu, d’une quarantaine d’années, filma tout particulièrement Samir ».
Des dossiers dans lesquels les enfants décrivent des rituels, le CIDE en a vu passer un certain nombre, effectivement. C’est le cas de l’affaire en Ardèche, déjà mentionnée plus haut. Ce vaste réseau (en lien notamment avec le réseau de V. L. et en relation avec Marc Dutroux) avait deux faces : la première était un circuit commercial de prostitution et vente d’enfants (voire d’organes), et de production de matériel pédopornographique. L’autre était un mouvement satanique avec rituels, sacrifices, magie noire, dans lequel était impliqué un personnage bien placé dans la hiérarchie de l’Eglise catholique.
Des enfants volés, de toutes origines, étaient ainsi cachés dans des souterrains sillonnant les sous-sols du village (en fait, le système ancestral d’adduction d’eau), où ils subissaient des violences sexuelles, étaient battus et torturés, mis à mort. Il est fait état de récupération d’organes. Les restes étaient enfouis dans divers lieux, notamment en forêt.
Concernant les rituels sataniques, les récits des enfants (dont les témoignages ont été recueillis alors qu’ils étaient jeunes adultes) sont précis et détaillés : dessins géométriques, de bougies noires. Ils avaient des robes blanches. Il y avait une statue avec trois corps mêlés et trois têtes en bois noir. C’est à ces statues que l’on sacrifiait les bébés et à qui on faisait des prières, à genoux, sur des tapis, et on se prosternait trois fois le front contre le sol. »
« Les sept prêtres sont entrés dans la salle basse avec C. et A., et on a commencé à faire la prière pour Satan. Nous étions sur des tapis et nous avons prié. Quand la prière a été finie, nous sommes allés danser autour d’une table en bois recouverte d’une nappe aux dessins géométriques rouges et blancs. Il y avait une grande statue, deux plus petites, et de la poudre d’os du nouveau-né sacrifié. Nous avons dansé, chanté dans la salle basse qui nous servait d’église. »
Ce ne sont que quelques exemples, parmi les très nombreux, recueillis au fil des dossiers du CIDE
Et l’Affaire Dutroux ne fait pas exception, loin s’en faut. Les policiers belges ont beaucoup enquêté, justement, sur la composante satanique Abrasax/Kripten, comme le confirment les synthèses des PV d’enquête. Les témoins « X » l’évoquent également avec force détails.
On peut relire encore l’article (cité par Bruno Fouchereau dans son livre p 146) du journaliste belge Alain Guillaume dans le quotidien « Le Soir » du 25 décembre 1996 et intitulé « Dutroux : des victimes sacrifiées sur l’autel du Démon ? » : « Les enquêteurs de Neufchâteau ont basculé dans un univers peuplé de pervers, de sadiques et de psychopathes (…) qui évoluent impunément depuis des dizaines d’années, expliquent les témoins, de beuveries snobs en partouzes, de villes en tortures, de sabbats en assassinats… On s’en rendra compte : les dossiers des juges Langlois et Gérard sont – déjà – bien plus lourds que ce que l’on découvre maintenant. Les chocs à venir seront d’autant plus surprenants ».
Alain Guillaume pensait détenir – et détenait de fait – des informations précises et concordantes, des témoignages suffisants pour oser affirmer que les masques allaient tomber. On sait aujourd’hui qu’il n’en a rien été.
L’existence d’Abrasax (ou parfois Abraxas), où Samir Aouchiche s’est de toute évidence rendu dans ses pérégrinations forcées, est révélée à la Belgique lors de la perquisition effectuée par les policiers et les gendarmes belges le 21 décembre 1996 dans le petit village de Forchies-la-Marche, près de Charleroi. Cette perquisition dans les locaux de l’ordre d’Abrasax était commanditée par la cellule d’enquête de Neufchâteau chargée de l’enquête Dutroux.
Les policiers, écrit Bruno Fouchereau dans son livre (p. 151), « disposaient de nombreux témoignages précis et concordants faisant état de sévices sexuels infligés à de jeunes enfants à l’occasion de cérémonies sataniques ; certains signalaient même des meurtres rituels… »
Les informations apparues dans la presse belge sont reprises et décrites dans un article du quotidien français « Le Midi Libre », cité dans son livre par Bruno Fouchereau (p. 151). L’article est titré « L’hypothèse sataniste horrifie la Belgique ». On peut y lire : « La presse a ainsi évoqué l’existence en Belgique d’une nébuleuse de voleurs d’enfants à l’œuvre depuis de nombreuses années. Ces enfants seraient soit volés à leurs parents, soit fabriqués sur commande par des familles bien sélectionnées qui les vendraient, dès leur naissance et sans jamais les déclarer, à des sectes sataniques. »
Toute « horrifiée » qu’elle fût sans doute à ce moment-là, la Belgique et ses médias oublieront très vite…
On peut encore lire dans l’article du « Midi Libre » : « Des dizaines de victimes sont tombées dans les filets de ces réseaux, plusieurs sont mortes mais trois autres sont vivantes et témoignent. Les noms de ces victimes, qui ont reçu des menaces de mort tout comme des enquêteurs et certains journalistes, sont gardés secrets. Certains journaux déclarent les avoir rencontrées, terrorisées parce qu’elles avaient vécu. Ces victimes ont été entendues fin novembre 2012 par le procureur chargé du dossier Dutroux. Elles lui ont confié qu’elles avaient subi les pires sévices au cours de ces cérémonies secrètes et qu’elles avaient été contraintes de torturer de jeunes enfants… »
Le grand public est évidemment largement dubitatif – et on le comprend – à l’évocation de sectes sataniques pratiquant des rituels et des sacrifices. On se croit plongés en pleine fiction (et elles sont nombreuses sur le sujet !)
Pourtant, toute la hiérarchie catholique bruisse de rumeurs satanistes, jusqu’au Vatican.
En 2010, le Père Gabriele Amorth, exorciste en chef du Vatican, publie les « Confessions-Mémoires de l’exorciste officiel du Vatican », entretiens avec le journaliste Marco Tosatti, aux Editions Michel Lafon. Possessions et rites sataniques, confrontations directes avec les démons, sectes du Mal implantées au cœur de Rome… Le père Gabriele Amorth raconte ses années de combat avec les puissances infernales.
Un vaticaniste italien célèbre, Paolo Rodari, avait déjà publié, quelques mois plus tôt, un article sur la présence de satanistes au cœur même du Vatican, sur la base du témoignage de ce même Père Gabriele Amorth. « Je sais bien que certains lecteurs vont penser que tout cela est du « sensationnalisme », mais ces révélations viennent de l’un des meilleurs « spécialistes » mondiaux du démon, Don Gabriele Amorth, l’exorciste de Rome », écrivait-il alors.
Dans cet entretien l’exorciste confirme : oui, des sectes sataniques sont implantées jusqu’au Vatican. Oui, il y a des prêtres, des prélats et même des cardinaux qui en font partie. Oui, le pape est au courant…
Dans un message posté sur le site Internet de « l’Osservatore Romano » en avril 2012 et relatant les déclarations du père Gabriele Amorth, Guillaume de Thieulloy s’interroge : « L’une des raisons de l’omertà par laquelle les plus hautes autorités de l’Eglise ont trop souvent « traité » les scandales pédérastiques ou pédophiliques tient peut-être aussi à ce que certains prélats pratiquant eux-mêmes le satanisme ont partie liée avec ces réseaux sordides… »
Et une nouvelle affaire fait l’objet, depuis l’été 2012, d’un blog détaillé et particulièrement sérieux dans le récit et la chronologie des faits, entre Lyon et le Var, entre pédophilie, satanisme et (peut-être) pratiques vaudoues : http ://secte-vaudou-satanique-lyon.overblog.com/
On y retrouve d’étranges similitudes avec plusieurs affaires du CIDE, tant dans les faits décrits par les enfants, qu’au travers de la descente aux enfers policière et judiciaire dont sont victimes les deux parents qui tentent – vainement – de soustraire deux enfants (mais il semble y en avoir beaucoup d’autres) des griffes de ce groupe criminel.
Une chose est sûre : dans pratiquement tous les récits revient la présence de personnes qui filment et/ou photographient. Pour satisfaire ultérieurement les participants, sans doute, mais également dans un but clairement financier, commercial, bien souvent. La composante satanique, rituelle, est très régulièrement doublée d’une composante pédopornographique. Le supplice des victimes, déjà abusées, torturées, détruites dans leur chair et leur âme, est ainsi prolongé, « gravé » pour longtemps sur des supports qui passeront sous combien de regards, qui généreront combien de centaines de milliers d’euros, de dollars ou de francs suisses ?
A la lecture de nombreux récits similaires, et compte tenu de cette composante « commerciale », on en vient à se demander si les rituels sataniques (ou pseudo-sataniques dans certains cas), ne sont pas simplement destinés au « décorum » et répondent avant tout à des pulsions qui – bien au-delà du sexe – relèvent fréquemment du sadisme le plus écœurant, voire de la torture ou de la barbarie les plus cruelles. N’est-ce pas cela avant tout – et comme le pense Martine Bouillon - que recherchent les participants ? Des « émotions fortes », toujours plus fortes, par lassitude des précédentes et nombreuses expériences, par une sorte de nécessaire progression pour satisfaire leurs pulsions bien plus que par des croyances qui nous semblent d’un autre temps ?
Bruno Fouchereau nous met en garde (p. 154) : « Juger cette interactivité entre satanistes occultistes et pédophiles aussi simplement serait une erreur. Les sectes offrent bien plus qu’un décorum aux ébats de leurs membres : elles justifient leur perversité par un discours et une idéologie qui relève de la mystique. (…) Les sectes aident les pervers criminels non seulement à assouvir leurs désirs, mais surtout à s’accepter et à se revendiquer comme tels. Ainsi s’organisent des réseaux puissants d’hommes et de femmes soudés autour d’une même mystique de la perversion et du mal ».
Dans sa conclusion, et au travers d’un rapide mais précis historique du satanisme, Bruno Fouchereau donne son explication à ce qu’il désigne comme le « néosatanisme » et sa démocratisation (p. 193) : « Avec cette démocratisation du néosatanisme, on constate un phénomène de perversion de la sexualité. On voit apparaître comme une doctrine de la salissure qui semble viser à maintenir la sexualité dans une sorte d’insatisfaction permanente. Une doctrine qui fait le bonheur de la pornographie. Car il s’agit d’expérimenter et d’explorer systématiquement toute perversité et anormalité. Cette espèce de politique de la surenchère dans la perversion conduit naturellement à l’horreur, au cannibalisme, au meurtre, à la pédophilie… Ce que l’on peut appeler une satanisation de la sexualité, et qui passe par une publicité et un discours qui vante ces pratiques, vise à déprécier tout ce que l’homme considère en bien de son intimité et de ses qualités humaines, jusqu’à l’annihiler en tant qu’individu. Cette déshumanisation de l’acte sexuel (…) remplace l’amour que l’on peut éprouver pour l’autre par une recherche obsessionnelle de la satisfaction par la réalisation de fantasmes de plus en plus extrêmes. Dans ce contexte, on comprend toute l’utilité des jeux de rôle comme ceux auxquels était contraint de participer Samir : ils permettaient une déshumanisation totale des perversions sexuelles mises en scène. Ce n’était plus l’individu mais le personnage inventé pour le jeu qui agissait. »
Des réseaux ancestraux
Ce monde parallèle, ces pratiques secrètes, ces rituels barbares, ces orgies sexuelles existent au moins depuis de nombreux siècles, comme le montrent les enquêtes de ceux qui se sont essayés à cette « remontée du courant » historique.
On retrouve Bruno Fouchereau (p. 154 et suivantes), dont l’enquête « a permis de déterminer que ces structures étaient parfois très anciennes ».
Et de remonter le « courant » belge : le Club Eukaristia une organisation nommée Kumris dans les années 1940, émanation du plus ancien Club Eukaristia, qui se revendiquait de l’Ordre du Temple et qui organisait des séances de magie sexuelle pour la haute société du royaume ainsi que pour de nombreux collaborateurs et SS belges.
Sans entrer ici dans des détails inutiles, Bruno Fouchereau rappelle deux grandes périodes du satanisme : le Moyen-Âge, où les textes fondateurs ont été rédigés par des prêtres franciscains et dominicains chargés de l’Inquisition; et la fin du XIXe et le début du XXe siècle, lorsque Paris fourmillait de sociétés secrètes, d’occultistes et de lucifériens comme Gérard Encausse, alias Papus, médecin et occultiste français cofondateur de l’Ordre Martiniste, dont certaines branches, au moins, pratiquent des rituels sexuels avec tortures et sacrifices d’enfants, et dont certaines investigations du CIDE laissent à penser que plusieurs enfants ont sans doute été victimes.
Ainsi, V. L., l’une de victimes prises en charge par le CIDE au début des années 2000, est de toute évidence – de par l’ampleur du réseau qu’elle décrit, les liens qu’elle établit avec de nombreux autres dossiers, les faits dont elle parle (filière pédophile commerciale et mouvance sataniste) – au « cœur » d’une sorte de vaste toile d’araignée en France, et plus largement dans une partie de l’Europe. Elle parle elle-même spontanément de sa « secte » en évoquant les Martinistes.
Il s’avère effectivement, après enquête, recoupements, recueil de témoignages, qu’il s’agit vraisemblablement de l’une des branches des Martinistes, mouvement issu et inspiré de la franc-maçonnerie et des Rose-croix, qui s’est structuré à la fin du XIXe siècle avant de se scinder en différents courants, dont certains à caractère clairement satanique. D’autres enfants dont s’est occupé le CIDE et dont V. L. a du reste croisé la route, ont eux aussi, visiblement, été les victimes des Martinistes.
Le curieux triangle de l’Yonne
Un autre regard historique intéressant est porté par Catherine Derivery et Philippe Bernardet dans leur livre « Enfermez-les tous ! Internements : le scandale de l’abus et de l’arbitraire en psychiatrie » (ouvrage développé plus loin). En annexe (p. 302 et suivantes), les deux auteurs reviennent sur le contexte historico-géographique régional de l’affaire dite des « disparues d’Auxerre » (ou « disparues de l’Yonne »). Ils relèvent dans un premier temps l’étrange triangle d’une quinzaine de kilomètres à peine à l’intérieur duquel se déroulent plusieurs grandes affaires de pédocriminalité qui ont défrayé la chronique dans les années 1980-1990 (Emile Louis, les époux Dunand et leur pavillon d’Appoigny, etc.), « un véritable mouchoir de poche » autour d’Appoigny, près d’Auxerre, mais « desservi par toutes les voies de communication possibles ». Ils notent également que les divers lieux historiques d’importance de ce triangle (ancien château de Seignelay aujourd’hui détruit, l’abbaye de Pontigny, le haras de Hauterive, le château de Guilbodon et diverses localités) sont tous reliés par un vaste réseau de souterrains. « L’actuel canton de Seignelay enferme ainsi, à lui seul, l’essentiel de l’affaire des disparues d’Auxerre », écrivent-ils.
Curieusement encore, la région concentre une étonnante liste d’établissements divers, construits grâce aux fonds européens : une immense boîte de nuit, la plus grande ferme équestre de toute l’Europe, réservée aux enfants, le château de Régennes, devenu un luxueux centre psychothérapique, la petite localité de Gurgy, réhabilitée sur fonds européens… « L’Europe a décidément investi beaucoup dans ce secteur, notamment dans l’enfance et le handicap », ajoutent Catherine Derivery et Philippe Bernardet. Et d’esquisser un lien pointant vers Jean-Pierre Soisson, député-maire d’Auxerre à l’époque, qui « se dépense sans compter au Parlement de Strasbourg ». Ils notent encore que « cette petite localité de Gurgy s’est, quant à elle, investie dans le secours aux enfants martyrs des orphelinats roumains, de l’époque de Ceaucescu; orphelinats qui ont largement alimenté les réseaux de la pédocriminalité européenne. L’un d’entre eux mène en France, où l’on perd la trace des enfants roumains kidnappés dans la rue ».
Remontant l’Histoire de France, les auteurs soulignent les rapports étroits avec la localité (et l’ancien château) de Seignelay : « Le lien entre cette localité et le pouvoir central est, en tout cas, objectivement attesté par l’histoire nationale dès le XIVe siècle. »
Et de rappeler parallèlement (sur la base de l’ouvrage de Philippe Erlanger, « Monsieur, frère de Louis XIV », Perrin, 1998) que sous Louis XIV déjà, alors que régnaient débauche et pédophilie à la cour, le roi instaure – dans la foulée de l’affaire des poisons en 1667 – la lieutenance de police, qui constitue un important dossier sur de nombreux membres de la haute aristocratie, tout particulièrement sur l’entourage de Monsieur, frère du roi.
On y apprend ainsi que Mme de Montespan était accusée d’être devenue la maîtresse du roi en récompense des messes noires et autres sorcelleries auxquelles elle s’était livrée : « L’entourage de Monsieur vécut des heures d’angoisse, dans la crainte que, développant l’instruction sur les messes noires, à l’occasion desquelles de jeunes enfants peuvent, parfois, être sacrifiés, la Chambre ne s’intéressât de plus près aux amateurs de parties fines. »
Le Roi-Soleil fut effrayé de voir sa cour « devenue une petite Sodome », comme l’écrivit dans ses mémoires le marquis de Sourches.
Or les luttes de pouvoir sans merci qu’abrite Versailles passent par tous les chantages, complots, mensonges et pressions possibles. Et ceux qui s’adonnent aux débauches de toutes sortes sont, à l’époque comme aujourd’hui, des proies faciles et précieuses dont on ne manque pas de se servir…
On apprend encore par Philippe Erlanger que, dans l’organisation de ces débauches, se trouve notamment Antoine Morel de Volonne, maître d’hôtel de Son Altesse, « qui, selon la Palatine, était athée et sodomite, en tenait école, vendant garçons comme des chevaux, et allait au parterre de l’Opéra pour faire ses marchés ».
Lorsqu’on connaît le rôle d’intermédiaire joué par le comte de Beuvron (capitaine des gardes, issu de la famille normande d’Harcourt, étroitement liée à Pontigny et Seignelay) dans l’organisation de la débauche dans l’entourage du frère de Louis XIV et la vie de garnison, comment ne pas s’imaginer, écrivent Catherine Derivery et Philippe Bernardet, « que cette région de Seignelay a pu, à cette époque, servir de vivier pour fournir la cour en jeunes et adolescents ? »
Et de conclure : « Toute l’affaire des disparues d’Auxerre et du pavillon d’Appoigny se situe ainsi sur les terres de l’ancien marquisat de Seignelay, intrinsèquement lié aux principaux personnages de l’Etat, de Charles VI à Louis XIV. Curieusement, ce site se trouve étroitement mêlé à l’entourage douteux du frère du Roi-Soleil, souvent composé de membres des gardes du corps du roi et autres cadets ; entourage qui organisa la corruption du pouvoir central en usant de poisons, messes noires, réglant orgies et débauches sur fond de pédophilie, corrompant ainsi le pouvoir par le sexe dans ce qu’il a de plus sordide. »
Ces pratiques en matière de corruption, à l’efficacité éprouvée, font visiblement toujours recette aujourd’hui…
On peut noter au passage, comme le relève Sophie Coignard dans « Le rapport Omertà 2002″ (Editions Albin Michel 2002), que Marylise Lebranchu, fraîchement nommée garde des Sceaux en 2000, diligente une enquête sur les dysfonctionnements de la justice dans l’affaire des disparues de l’Yonne. Mais la ministre, « à peine le rapport rendu, a pris une décision trop peu commentée : elle l’a classé sans suite ».
Police et justice savent
On l’a vu dans le chapitre consacré à l’affaire Dutroux-Nihoul, certaines autorités belges ont tout fait pour que la thèse du réseau pédocriminel soit balayée. Les personnes qui s’y sont employées n’ont pas ménagé leurs efforts, récompensés in fine par le verdict au procès d’Arlon. Pourtant, on l’a vu aussi, les policiers et magistrats qui ont travaillé honnêtement et sérieusement ont pu dessiner les contours d’une vaste nébuleuse, s’étendant bien au-delà du Royaume. Mais on les a bâillonnés, on les a écartés…
Un haut responsable policier français dénonce du reste « leur incapacité à remplir leurs missions » en préface du livre « L’histoire vraie des tueurs fous du Brabant » paru en octobre 2012 (La Manufacture de Livres.), consacré à cette affaire qui a défrayé la chronique dans les années 80 et dont on a beaucoup reparlé en marge de l’affaire Dutroux.
« La légitimité d’un Etat se mesure à sa capacité d’assumer avec efficacité ses missions régaliennes », écrit Julien Sapori, commissaire central de Maubeuge (nord), cité par « l’AFP ». « Or, depuis une trentaine d’années, l’histoire judiciaire de la Belgique est une succession d’échecs », ajoute le commissaire citant cette affaire mais aussi celle du Belge Marc Dutroux. Julien Sapori stigmatise « l’incapacité des forces de l’ordre et de la justice du « plat pays » à remplir convenablement leurs missions », la qualifiant de « consternante ».
En France aussi, malgré – là-aussi – tous les efforts (souvent efficaces) de certaines autorités, de certains représentants de la magistrature, de certains politiques, on sait parfaitement que police et justice… savent !
Dans son livre publié en 1997, Bruno Fouchereau cite (p. 146) le juge Cochard, ancien directeur de la gendarmerie nationale, ancien magistrat de la Cour de cassation de Paris, ancien secrétaire du Procureur de la République de Paris, qui « a, de son propre aveu, fait récemment une conférence réservée aux magistrats pour les mettre en garde contre l’influence croissante des réseaux de pédophiles en France. Une conférence qui fut reçue avec une aimable indifférence ».
Dans l’émission « Paroles d’enfants » de mars 1999 (FR3), la substitut du Procureur Martine Bouillon aura cette phrase qui va faire du bruit (et qui sera officiellement démentie par la suite !) :
« Je sais et je peux vous dire qu’en région parisienne, j’ai effectivement eu connaissance de charniers d’enfants. Je pèse mes mots. Je n’en dirai pas plus parce que qu’il y a une instruction en cours ».
Plusieurs associations et personnalités engagées dans la lutte contre la pédophilie se retrouvent, en mai 1997, au siège principal d’INTERPOL à Lyon, pour une séance de coordination. Au cours de celle-ci, les interlocuteurs de l’organisation de coopération policière internationale reconnaissent clairement être au courant de l’existence de réseaux pédophiles en Europe. Les deux représentants du CIDE présents à cette réunion en témoignent…
On peut noter, à propos d’INTERPOL, que l’organisation a joué, au moins à plusieurs reprises, le rôle de « courroie de transmission » au niveau européen en matière d’alerte face aux crimes d’origine satanique. Ainsi Bruno Fouchereau cite dans son ouvrage « L’Enfant sacrifié à Satan » : « Scotland Yard a fait encore récemment, en janvier 1996 à Lyon, une conférence dans les locaux d’INTERPOL, visant à alerter les polices européennes de la multiplication des crimes rituels. Le juge Sengelin, doyen des juges d’instruction de Mulhouse enquêtant sur l’enlèvement d’une petite fille en 1990, a été informé par ces mêmes policiers de Scotland Yard, qu’ils avaient saisi un lot de snuff movies dans lesquels on assistait à des meurtres d’enfants. Ces enfants, dont au moins quinze d’origine européenne, ont été tués devant la caméra après avoir subi viols et tortures ». (p. 21).
On peut souligner au passage que le juge Sengelin a étroitement collaboré avec le CIDE sur certaines affaires entre la fin des années 1990 et le début des années 2000. Son point de vue et ses informations ont été précieux.
La loi du silence ou omertà
« Il existe en France une loi qui n’a jamais été votée par le Parlement, encore moins publiée au «Journal officiel». Et pourtant, c’est peut-être la seule qui soit vraiment respectée dans ce pays : la loi du silence. »
Ainsi débute l’avant-propos de Sophie Coignard et Alexandre Wickham, dans leur ouvrage « L’omertà française » (Albin Michel, 1999.) Mais ici, la loi du silence n’est pas imposée par une mafia, écrivent-ils. « Pas de terreur orchestrée par une poignée de parrains à la Sicilienne. Ce serait trop simple. Dans notre démocratie, l’omertà fonctionne le plus souvent de manière tacite. Mais elle régit dans le moindre détail tout ce dont il est impossible de parler. »
Les deux auteurs s’en prennent « au club des étouffeurs qui verrouille le système, à une machine judiciaire répressive, unique au monde, et à toutes les belles âmes qui protègent les Français des vérités qui ne sont, paraît-il, pas bonnes à dire ».
Ils évoquent toutes les affaires gangrénant, peu ou prou, la vie publique, mais dont on parle si peu ou si mal, en premier lieu dans les médias, et dont si peu arrivent à des condamnations judiciaires. Ils décryptent le système, démontent les mécanismes, décortiquent les manipulations et expliquent les silences. Et parmi la panoplie de petites ou grandes affaires, on trouve la pédophilie, forcément. En qu’en disent-ils, justement ? « Car, dans la culture politico-administrative de la France, la pédophilie est un de ces non-sujets efficacement couverts par l’omertà médiatique ». (p. 98).
Un exemple tiré de cet ouvrage, édifiant : En 1992, un prof de maths de Bergerac est accusé d’abus sexuels sur deux de ses élèves et dénoncé par le père des victimes au recteur de l’établissement. L’enseignant n’est pas suspendu mais simplement muté, et sa hiérarchie n’envisage pas sérieusement d’engager une procédure disciplinaire. Le père s’impatiente et médiatise l’affaire. Fraîchement élu ministre de l’Education nationale, François Bayrou demande alors un rapport à l’Inspection générale de l’administration de l’Education nationale. Le rapport, confidentiel, est remis au ministre début 1994. Ses rédacteurs encouragent fortement l’Education nationale à sanctionner rapidement les coupables de tels actes. Pour les victimes, mais aussi pour ne pas laisser croire à l’opinion que le service public essaie de dissimuler les agissements de fonctionnaires dévoyés.
Que fait François Bayrou ? Rien… Un projet de lettre-circulaire, notamment, ne verra jamais le jour. Mais surtout, le ministre balaie les avertissements de ses propres amis politiques. L’un de ses conseillers l’avertit : « Attention à ces histoires de pédophilie. Il faut faire quelque chose. » Réponse du ministre centriste chrétien : « Je ne vois pas vraiment l’intérêt de salir l’Education nationale. Et puis, tu imagines la réaction des syndicats ? »…
Le prof, au moins, sera condamné par la justice pénale…
Mais si la presse s’intéresse beaucoup aux « pédophiles solitaires », qui font les grandes heures des pages de faits divers, elle s’intéresse beaucoup moins et plus rarement aux réseaux pédocriminels, aux abus commis en groupe – de notables la plupart du temps -.
Il y a bien sûr quelques rares et heureuses exceptions comme les articles de Laurence Beneux et Serge Garde dans leurs journaux respectifs ou l’émission « Paroles d’enfants » sur «FR3». Sinon, peu ou pas d’enquêtes.
Des informations sortent pourtant, ici et là, dans la presse. Mais sans plus, sans suite apparente, sans même parfois qu’on comprenne pourquoi elles sont publiées.
Ainsi cet article du quotidien « Le Parisien », daté du printemps 1997, et cité par Eric Raynaud dans son livre « Les réseaux cachés des pervers sexuels » (Editions du Rocher, p 78) : « Un lourd secret mine la vie politique française, depuis une quinzaine d’années. Il tourne autour de réunions sexuelles avec mineurs qui, selon nos informations, se seraient déroulées à Saint-Père, une petite commune de la Nièvre. Certains hommes politiques connus y auraient côtoyé des leaders d’extrême droite, chacun se protégeant mutuellement avant de se faire chanter. »
Il faut savoir qu’Eric Raynaud, dans son ouvrage, s’intéresse tout particulièrement à cette région de France qui cumule curieusement de nombreuses affaires de pédophilie dont celle de l’ancien instituteur Jacky Kaisersmertz, mais surtout les affaires Glengross et Doucé qui ont, chacune, des ramifications au plus haut niveau de l’Etat.
Mais revenons à l’article au conditionnel et « selon nos informations ». C’est tout ? C’est pourtant l’amorce d’une bombe, de toute évidence. Mais la mèche semble bien humide… Eric Raynaud, qui veut en savoir plus, obtient de rencontrer le journaliste, qui lui raconte alors : « J’enquêtais sur cette nébuleuse quand j’ai été victime d’une tentative d’enlèvement et/ou d’assassinat, en rentrant un soir à mon appartement. »
Le journaliste déposera plainte, mais l’enquête policière (pour autant qu’il y en ait eu une) n’aboutira jamais… Courageux mais pas téméraire, on le comprend, il renoncera à son enquête journalistique. Pourquoi publier cet article succinct, alors ? « J’ai tenu à laisser une trace, au cas où cela servirait à quelque chose un jour… »
En 1997 également, c’est une substitut du Procureur de la République écœurée, Martine Bouillon, qui prend la plume comme un cri de la colère et du cœur. Elle écrit « Viol d’anges - Pédophilie : un magistrat contre la loi du silence » (Calmann-Lévy), un ouvrage qu’elle rumine depuis longtemps : « Je porte ce livre en moi depuis vingt ans », précise-t-elle dès la première page.
Martine Bouillon a participé à de nombreux colloques sur la maltraitance des enfants. Elle sera également invitée le 27 mars 1999 aux côtés de Georges Glatz, président du CIDE, sur le plateau de l’émission de «FR3» « Paroles d’enfants » d’Elise Lucet à l’occasion d’un reportage qui fera beaucoup de bruit et suscitera la polémique : « Viols d’enfants : la fin du silence ? ».
Son thème : « Que vaut la parole d’un enfant face au système judiciaire français lorsqu’il est confronté à des actes de violence sexuelle ? ».
L’émission est basée sur un an et demi d’enquête de la journaliste Pascale Justice, pour reconstituer le parcours et le drame de plusieurs enfants victimes, et tenter de comprendre pourquoi la loi du silence s’est peu à peu imposée… On y retrouve les témoignages bouleversants de J. et O. A. (Pierre et Marie dans l’émission), deux enfants abusés et maltraités au sein d’un réseau pédosatanique, avec rituels sacrificiels, via le père, à Paris et ailleurs. Leur mère, après avoir perdu toutes les batailles judiciaires en France pour les protéger, se réfugiera en Suisse avec eux – et avec le soutien du CIDE – pour les mettre à l’abri. Ils vivent toujours en Suisse aujourd’hui.
« Viols d’enfants : la fin du silence ? » suscitera beaucoup d’émotion, et aussi une importante polémique sur la rigueur de son contenu – avec la réaction notamment de la Fédération des mouvements de la condition paternelle (F.M.C.P.), qui parlera dans une lettre ouverte de « l’absence de discernement, la partialité manifeste » de l’émission. Rien de très surprenant pourtant, lorsque l’on sait le rôle pour le moins suspect de certaines organisations de défense des pères (en France et au niveau international), en lien ou soutien (direct ou indirect, avéré ou très fortement suspecté) avec des réseaux pédophiles (plusieurs dossiers du CIDE et diverses informations concordantes le montrent).
L’émission vaudra également un certain nombre de courriers au CIDE – notamment une lettre anonyme pour dénoncer des faits qui se seraient déroulés dans les sous-sols d’une école maternelle de la banlieue parisienne. – Mais comment vérifier ? Un enquêteur du CIDE s’est certes rendu sur place. Mais que faire, comment faire ? Seule la police aurait eu des moyens d’investigation propres à confirmer ou infirmer les accusations. Suite à l’émission, les choses ne bougeront pas du côté des diverses autorités françaises. Ou plutôt si : la loi du silence évoquée dès l’entrée en matière d’Elise Lucet, va se mettre en marche, précisément, et si bien fonctionner que le soufflé retombera très vite. C’est une tactique éprouvée dans maints domaines.
On peut également avoir une petite idée de ce qu’ont dû être les pressions venant « d’en haut » sur la chaîne publique française avec ce seul constat : l’émission ne figure pas dans les archives consultables de l’INA (archives audio-visuelles françaises)…
Une émission pour rien ? Vite oubliée ? Nous l’avons pensé pendant un certain nombre d’années.
Elle avait suscité de l’émotion, des réactions sur le moment. Mais on sait combien le citoyen-téléspectateur et les journalistes (dans un même fonctionnement) passent très vite à autre chose, à une autre actualité, à d’autres émotions…
C’était sans compter la globalisation version Internet : l’émission vit (revit) aujourd’hui en vidéo sur la toile, elle est en bonne place sur YouTube ou Dailymotion (il suffit de taper « Paroles d’enfants » ou « Viols d’enfants : la fin du silence ? ». L’émission a même droit à sa page sur Wikipédia !
http ://fr.wikipedia.org/wiki/Viols_d%27enfants_ :_la_fin_du_silence_%3F
Cette émission est aujourd’hui encore unique en Europe francophone, elle a valeur de référence pour comprendre ce que vivent les enfants embrigadés dans des réseaux pédophiles à caractère satanique, et aussi pour commencer à décoder – un peu – le silence assourdissant qui entoure ces affaires.
En renfort de l’omertà qui règne, il y a ce que Laurence Beneux et Serge Garde nomment, dans leur ouvrage, la « Stratégie de l’édredon »… Après la publication du premier article sur l’affaire des CD-ROM de Zandvoort en février 2000, puis l’émission-choc de «FR3», en mars de la même année, les deux journalistes sont surpris de constater combien le « soufflé » médiatique retombe vite (p. 41) : « Quinze jours plus tard, on ne parle plus de pédosexualité et de réseaux. Et nous commençons à mieux identifier ce que nous appellerons la stratégie de l’édredon. Choisissez-en un, bien gonflé de bonnes plumes. Baptisez-le « justice ». Vous lui assenez plusieurs coups. Dans l’immédiat, cela vous fait un bien immense, et vous pouvez vérifier, à sa surface, les marques que vous lui avez infligées. Mais les heures passent et vous voyez l’édredon retrouver sa forme et sa mollesse initiales. Il ne s’est rien passé, il ne se passera rien. Mises en causes par des enquêtes journalistiques, les institutions concernées, justice et police, mais aussi les services de protection de l’enfance, se comportent comme des édredons. Elles encaissent les coups sans la moindre réaction et attendent que les médias parlent d’autres choses. »
Et que dire de l’autocensure – celle, très souvent, de la « grande presse », mais aussi celle de la police et de la justice –. Dans « Le livre de la honte - les réseaux pédophiles », le magistrat français Gilles Sainati, secrétaire général du Syndicat de la magistrature, constate que la justice française ne sait pas enquêter sur les réseaux, mais surtout : « En plus, en matière de pédophilie, on se heurte à un autre problème : dès que l’on s’approche de l’Etat, de la notabilité, d’hommes politiques, même pas forcément directement concernés, une autocensure sévit. On n’y va pas, on s’arrête aux gens retrouvés tout de suite. »
Tout le monde se tient par la barbichette…
Dans un certain nombre de gros dossiers en mains du CIDE, comme dans ceux qui ont défrayé (un temps) la chronique, on retrouve en première loge au palmarès des pédocriminels des politiciens, des magistrats, des avocats, des membres des forces de l’ordre, de la noblesse (surtout en Belgique), des grandes familles de l’économie, des ecclésiastiques…
Dans leur livre « Dossier Pédophilie – Le scandale de l’affaire Dutroux », Jean Nicolas et Frédéric Lavachery posent un regard encore plus « global » : « De fait, on verra plus tard les témoins X citer à plusieurs reprises des personnages installés au sommet des organisations internationales, ayant pour objet de définir les stratégies économique, financière, politique et militaire du monde, très sensibles aux thèses et idées des Américains. Le groupe de Bilderberg, la Commission trilatérale, le forum économique de Davos et même l’OTAN ont eu, ou ont encore en leur sein, des individus présentés dans les récits recueillis à Neufchâteau comme étant des tortionnaires d’enfants. »
Jean Nicolas et Frédéric Lavachery décrivent les partouzes qui se déroulaient dans les années 70 dans différents bars belges, surveillés par la sûreté de l’Etat, et qui réunissaient aussi bien hommes politiques, magistrats ou journalistes que criminels de droit commun… Ils évoquent ainsi celles du bar liégeois « Le Macho ». Le propriétaire des lieux filmait les ébats comme l’évoque un rapport confidentiel de la PJ de Liège daté de 1983 que les coauteurs citent p. 127 : « On y avait l’habitude de prendre des photographies scabreuses, voir obscènes, ou tourner des films ou enregistrements vidéo, et ce afin de pouvoir faire pression sur les personnes qui se sont laissées entraîner dans de telles situations. Il arrive même qu’on incite les filles à enivrer certains clients pour les amener dans des situations équivoques afin d’en prendre photographie (…). Le patron se serait même vanté d’avoir, dans un coffre en banque, différents documents, photos, films ou K7 vidéo lui permettant de faire chanter (…) différentes personnes. »
« En somme, tout le monde filmait tout le monde », constatent Jean Nicolas et Frédéric Lavachery, qui poursuivent : « D’abord les propriétaires par perversité ou sens de la prudence afin de se prémunir au cas où; ensuite la sûreté de l’Etat pour enquêter sur les habitués de ces lieux de débauche ».
De fait, dans les grands dossiers belges des années 70 jusqu’à l’affaire Dutroux, de nombreux noms de politiciens, magistrats, hommes d’affaires connus et puissants reviennent régulièrement.
Parmi eux, celui qui, après avoir déjà eu de nombreuses casquettes politiques, est Premier ministre belge en 2012 : Elio Di Rupo. Et si l’on peut citer son nom aujourd’hui, c’est parce que de nombreux documents officiels attestent (au minimum) de ses penchants. Et cela, depuis fort longtemps.
Dans leur livre « Dossier Pédophilie – Le scandale de l’affaire Dutroux », Jean Nicolas et Frédéric Lavachery citent (p. 176) un extrait d’un autre ouvrage à propos de l’assassinat de Simon Poncelet, fils du procureur Poncelet de Tournai : « La pédérastie en Belgique de Saint-Tropez à Charleroi », par P. S. Candidus, éditions Scaillet, Charleroi, 1998. On y apprend (p. 125) que le Parquet de Tournai, dirigé par le procureur Poncelet, s’est fort intéressé aux activités de la famille Di Rupo, à propos de la rue du Onze Novembre et de quelques autres tiroirs montois. Le dossier montera jusqu’au cabinet du ministre de la Justice, Monsieur Wathelet. Le nom de Di Rupo a été aussi cité dans l’affaire des négriers du bâtiment et dans les enquêtes sur la pédérastie. Le comité P [la police des polices] avait reçu en son temps de solides dossiers. Le procureur Poncelet avait mis « les pieds dans le plat ». Les affaires seront classées au Parquet général sous la rubrique INOP (Infractions non opportunes). Mais Simon Poncelet, qui travaillait à Mons, avait nécessairement entendu quelque chose. (…) Nous avons ici une bonne raison d’éliminer Simon Poncelet.
Et un peu plus loin, p. 276 : Un rapport de la brigade nationale de la gendarmerie du 9 octobre 1996 insiste à son tour sur les rapports intimes qui seraient survenus entre Di Rupo et de jeunes garçons. On y parle également d’un protégé du vice-Premier ministre, retrouvé mort depuis. Ce document est suivi d’un rapport de la BSR de Bruxelles, du 3 décembre 1996, portant le numéro de référence 3766118068/96, qui évoque des relations sexuelles entre Di Rupo et des garçons âgés de seize à dix-huit ans. Un texte où se trouve une phrase étonnante : « Vu la notoriété de M. Di Rupo, nous ne poursuivons pas. »
Enfin, p. 277 : « Un âge que, à les en croire, deux policiers communaux de Mons ont paraît-il pu déterminer, en août 1989, à deux reprises, lorsqu’ils ont surpris Elio Di Rupo dans sa voiture en bordure du lac du Grand-Large de Mons en compagnie d’un garçon de douze ans et d’un autre de treize ans. (…). Les gamins avaient le bas de leur corps dénudé », a affirmé l’un des policiers devant les caméras de la télévision allemande, l’ARD.
Très clairs aussi, ces quelques passages (il y en a d’autres !) de la synthèse des PV d’audition de l’affaire Dutroux :
117.528
24/11/96
BILLE
G2
RUL
INITIAL BR.37.66.117528/96
Contact avec RULENS Jean-Michel (04/11/62)
RULENS a été interviewé par RTBF et RTL mais pas encore sur antenne
Il a fait une déclaration à la police de Namur mais craint qu’elle ne soit pas transmise
Il a participé à 04 partouzes dans la région de LIEGE
A l’époque (il y a 15-16 ans) il était mineur
GRAFFE et DI RUPO ont assisté à ces partouzes
Il était payé pour ses participations
Etaient aussi présents : Serge PASQUET (27/09/69) et Michael (fils de Christian VAILLANT)
42
117.721
01/12/96
BILLE
G5
RUL
INFORMATIONS : albums photos
Selon un informateur il existe un album photos avec DI RUPO, GRAFFE et des mineurs lors de partouzes
Cet album serait détenu par un transsexuel appeler CHANTAL ex LUC 26-28 ans de la région de JAMBES
PASQUET Serge connait LUC
Demande d’historique du tél. de PASQUET : 081/30.35.10
100.130
02/12/96
Cell
NEUF
RENKI
N
L3
67
7
FER
INITIAL NE.45.NE..100130/96
Activités sectaires ou sataniques au château VALMONT à MERBES LE CHATEAU
Propriétaire château = FERBUS Pierre (07/01/42)
Homosexuel – banquier BBL
DI RUPO et GRAFFE auraient été vus lors des soirées
Une victime a décrit un lieu lors d’un débat télévisé – la description ressemble au château VALMONT
Domiciliés au château : ISAERT Christian (10/03/50) – gardien
BEROUDIAUX Dominique (30/04/54)
BOSQUION David (02/10/75)
Trois accès au château mais deux ont été entravés
Un rapport de la Police de LOBBES reprend les mêmes informations concernant GRAFFE Jean-Pierre
Dans la propriété il y aurait une croix de 05 mètres
43
39.686
28/10/96
PJ BXL
ANTIPI
NE
MARNE
TTE
STRUY
S
N1
Il s’agirait d’activités sataniques
Un rapport de la BSR de THUIN contient des informations approchantes (N)325 du 22/11/96)
Le château est à 2.3 km du domicile de MARTIN (SARS)
Le château est à 2 Km de l’endroit présumé où DR aurait eu un accident
AUDITIONS de TRUSNACH Oliver (14/07/74)
CR HASSELT from PR le 23/10/96 = premier contact
Audition le 24/10/96 : STRUYS et ANTIPINE
Fréquente le milieu homosexuel depuis ses 15 ans
Premières relations avec VANGELI Gavriilakes de GENK
A 17 ans : relations avec François-Xavier de BEUKELAERT
Vincent HOTIAT (cabinet DE GALAND)
Jean-Pierre GRAFFE
Elio DI RUPO
Patrick HUART (fondation OUWENDIJCK)
François LAGNEAU
Jacques MORTELMANS (Consul des Seychelles)
Après sa déclaration du 22/10/96 MORTELMANS, a tél à sa mère
Il l’a appris via le Gd qui l’a auditionné
Il a tél à MORTELMANS qui lui a dit de penser aux gens qu’il connait et de ne pas leur faire du tort
Il pense que c’est SOUVERIJN Roger qui a averti MORTELMANS
RUBENS Nicolas = amant de DI RUPPO depuis qu’il a 13-14 ans
Le chauffeur de DI RUPO le ramenait à LIMELETTE
Une fois par semaine : rencontre entre GRAFFE – DI RUPO et RAYMAECKER (Gouverneur Bq Nat) dans un appart de BXL
Relations sexuelles avec mineurs dont RUBENS
Autre victime : Olivier de LASNES (tél 633.42.75)
PR
HASSE
LT
22/10/96
DURW
AEL
N2
INFORMATION
Contactée le 22/10/96 à 14.10 par MARNETTE
TRUSGNACHT a fait des déclarations pouvant cadrer dans le dossier BR.37.11.824/96 ouvert à Bruxelles en cause de DI RUPO
TRUSGNACHT arrêté dans HA.20.42.102767/96
MARNETTE a eu une info le 21/10/96 disant que des K7 en cause de DI RUPO pourraient être retrouvées
La déclaration de TRUSGNACHT a été actée par Gd HASSELT
le 22/10/96 à 10.50
dans le cadre d’un nouveau dossier HA.90.42.103825/96
Aucune caste n’est épargnée, et même la famille royale de Belgique revient régulièrement dans les témoignages avec un nom cité tout particulièrement : le prince Albert, qui a succédé à son père Baudouin sous le nom d’Albert II.
Jean Nicolas et Frédéric Lavachery citent ainsi dans leur livre (à propos du dossier Pinon) ces pièces officielles (p. 191) : « Il existe aussi un P.-V. du 16 juillet 1981 où Danièle Beresovsky relate les propos de Christine Doret, laquelle évoque comme participants à des « partouzes », outre Mme Pinon, « le Prince Albert de Belgique ». Ou le P.-V. 15.268 du 18 juillet 1981 dans lequel André Pinon avance que Doret « a affirmé avoir participé en personne à ces partouses, et elle a cité les mêmes noms. Elle a précisé que les épouses des gens cités ne participaient pas à ces parties. Elle a dit, et cela a été enregistré, que le Prince Albert aurait dit à Agneessens de ne pas s’en faire, tant pour l’affaire Crockaert, que pour l’affaire des mineurs, et qu’il serait « couvert ».
Comment mettre en doute aussi le sérieux de Patrick Moriau, vice-président de la commission d’enquête parlementaire Dutroux-Nihoul, qui « fut le premier à mettre les pieds dans le plat en stigmatisant les « méga-protections » de Nihoul « dans l’entourage du Palais Royal ».
Dans les archives du CIDE on retrouve cette information qui pourrait paraître futile dans un autre cadre : en 1999, le comte Louis de Jonghe d’Ardoye fait remonter jusqu’au Conseil d’Etat belge une demande un peu particulière : il veut changer de nom et abandonner son titre nobiliaire… Pourquoi ? Il s’en explique dans son mémoire : « Albert de Saxe Cobourg Gotha a une morale qui ne correspond pas à celle qu’il recommande à ses sujets (…) La dignité de la fonction royale, dont le Roi est le premier serviteur, est bafouée par celui qui en a accepté la charge. (…) Une loyauté nobiliaire acquise n’a dès lors de sens à l’égard d’un Roi dont la prestation de serment est entachée d’un passé trouble utilisé par la criminalité pour sa pérennité. »
Poli, mais ferme…
Ces accusations contre la famille royale, et Albert en particulier, ont été maintes fois démenties, on a fait pression sur les témoins, certains se sont rétractés. Mais comment ne pas croire Michel Nihoul lui-même, piégé par Jean Nicolas et Frédéric Lavachery (« Dossier Pédophilie – Le scandale de l’affaire Dutroux » p. 123 et suivantes) avec l’aide de la télévision allemande ARD en novembre 2000 ? Ayant réussi à convaincre une relation d’affaires crapoteuses de Nihoul, Jacques Genevois, de les aider dans cette aventure, ils réussissent à enregistrer une conversation entre les deux personnages et un troisième comparse à l’aide d’un micro caché sur Jacques Genevois. Nihoul, porté à la confidence, raconte les partouses qui se déroulaient au bar « Le Dolo » à Bruxelles. Les coauteurs du livre décrivent : « Bavard, Nihoul livre même de multiples détails, expliquant qu’on y pratiquait le trafic de drogue, que la came circulait librement, que les partouzes se révélaient assez violentes, et que, si la présence d’enfants lors de ces ébats n’était pas régulière, elle était en revanche garantie si nécessaire ! En verve de confidences, Nihoul n’hésite pas à citer, parmi les participants à ces drôles de réunions, le prince Albert de Belgique et l’ancien vice-Premier ministre libéral Jean Gol. (… ) Il insiste aussi sur la présence d’un nombre important de policiers et de gendarmes dans ces lieux, ainsi que sur le rôle comme fondateur du club, d’un homme politique belge, aujourd’hui ministre du gouvernement wallon, qu’il prétend passionné de petits garçons. »
Les deux auteurs évoquent de toute évidence ici, et sans le nommer, Elio Di Rupo…
La machine à étouffer toute enquête, toute info
« Les actes de décrédibilisation ont touché tous ceux qui dénonçaient les scandales à répétition, journalistes, hommes politiques et citoyens actifs dans la lutte anti-corruption, anti-dysfonctionnements, anti-pédophilie », déplorent Jean Nicolas et Frédéric Lavachery dans leur livre « Dossier Pédophilie – Le scandale de l’affaire Dutroux ». Et ils savent de quoi ils parlent…
« Si nous-mêmes avons été concernés en premier lieu tout au long de notre travail, les campagnes orchestrées dans le même but furent légion, par exemple, contre Patrick Moriau, le vice-président de l’ex-commission d’enquête parlementaire Dutroux-Nihoul. Contre également Marcel Vervloesem, de la petite ville flamande de Morkhoven, qui avait découvert des fichiers énormes d’images pédophiles insoutenables avec leur réseau d’échange (ndlr : l’affaire des CD-ROM de Zandvoort notamment). Contre aussi les gendarmes Patrick De Baets et Aimé Bille, les enquêteurs de Neufchâteau qui tentaient d’aller jusqu’au bout de l’enquête Dutroux et de ses dossiers annexes. Et enfin contre le juge d’instruction Jean-Marc Connerotte, qui avait le tort de croire à un certain moment, comme le procureur de Neufchâteau Bourlet, qu’il pourrait aller loin… »
Et de dénoncer dans la foulée « que la mollesse, pour être polis, d’une grande partie de la presse belge a facilité ce travail de sape. Après la première période d’euphorie, celle où l’on voyait des magazines aussi anodins du point de vue politique que «Télé-Moustique» ou «Ciné-Revue» montrer la voie d’un journalisme libre et libertaire, la grande presse a emboîté timidement le pas… avant de se rendormir aussi vite. Habitude du ronron rédactionnel, conformisme de la pensée peu propice aux désirs de faire bouger le système, connivences avec les élus ou les magistrats pour avoir des informations, l’accès de fièvre investigateur est rapidement retombé. Et quand, sur ce terreau déjà peu propice aux poussées d’indépendance, sont tombées des pluies de pressions, tout est rentré dans l’ordre »…
Les auteurs soulignent encore un peu plus loin que « le commissaire Massart lui-même, ancien responsable de la sûreté de l’Etat (ndlr : belge), accuse dans son livre « Les dés étaient pipés ». Gérard Rogge et son équipe (ndlr : de la RTBF) d’avoir souvent réalisé des émissions qui apparaissent comme une manipulation de l’opinion sur… une chaîne de service public ».
De fait, quasi tous les journalistes, membres d’associations de lutte contre la pédophilie, avocats, magistrats ou policiers qui ont tenté d’affronter les réseaux pédocriminels se sont heurtés à une machine formidablement efficace et ont dû faire face à d’incroyables pressions, accusations, ou opérations pour les décrédibiliser, les faire renoncer, les faire taire.
La valse des cadavres
Ce qui impressionne notamment à la lecture des enquêtes sérieuses autour des grandes affaires touchant aux réseaux pédophiles comme l’affaire Dutroux en Belgique ou l’affaire Alègre à Toulouse et bien d’autres, c’est le nombre de cadavres qui jalonnent les dossiers.
Dans « Dossier Pédophilie – Le scandale de l’affaire Dutroux », Jean Nicolas et Frédéric Lavachery font le même constat : « Il y a plus pénible encore que la servilité ou l’envie moutonnière des médias d’aller toujours dans le sens du vent soufflé par les autorités : c’est la succession de cadavres qui parsèment le dossier Dutroux et les histoires de pédophilie en Belgique. Sans en conclure à l’existence d’un complot meurtrier ou d’une mafia qui assassine à tour de bras tous ceux qui pensent mal ou peuvent se montrer gênants, force est de noter l’existence de toutes ces fins tragiques. »
Et les deux coauteurs d’entamer, contexte à l’appui, une longue liste :
- le procureur de Liège en charge du dossier Dutroux Hubert Massa (suicide sans raison apparente) ;
- Piro, propriétaire de bars à filles (assassiné juste après avoir dit son intention de faire des révélations sur les morts de Julie et Mélissa) ;
- Grégory Antipine, superflic de la police judiciaire de Bruxelles affecté à la cellule d’enquête Nihoul (suicide sans raison apparente. Il enquêtait notamment sur le dossier Di Rupo) ;
- les époux Tagliaferro, membres de l’entourage criminel de Dutroux (lui fut empoisonné peu après la découverte des corps de Julie et Mélissa; son épouse dira « qu’il en savait trop » avant de décéder elle-même tragiquement dans un incendie chez elle (suicide, conclura l’enquête) ;
- Jean-Pol Taminiau, exploitant de bar à partouzes et proche du milieu des trafiquants de voitures de la nébuleuse Dutroux (il voulait parler, on ne retrouvera que son pied gauche dans un canal)…
Mais la disparition qui suscite la plus vive émotion au CIDE, également citée par Jean Nicolas et Frédéric Lavachery, c’est bien sûr celle de Gina Bernaer, membre de l’association Morkhoven de Marcel Vervloesem, et dont la fin malheureuse dans un accident de voiture a déjà été évoquée plus haut.
Et la liste n’est pas finie… Jean Nicolas et Frédéric Lavachery évoquent encore les morts suspectes de :
- Simon Poncelet, inspecteur de la PJ de Mons et fils du Procureur du Roi, à Tournai (exécuté lors d’une permanence nocturne à la P-J. alors qu’il enquêtait sur un trafic de voitures impliquant probablement la mouvance Dutroux) ;
- le gendarme Vanesse, protecteur présumé de Nihoul (Nihoul était son informateur officiel), Lelièvre et Dutroux, trouvé décédé dans d’étranges conditions peu après une garde-à-vue de trois jours ;
- Jean-Marie Houdmont, témoin qui allait « tout dire » sur le rapt de la petite Elisabeth Brichet de Namur, victime d’un accident de voiture (encore un…) alors qu’il se rendait chez le juge d’instruction ;
- José Steppé, empoisonné après avoir menacé de révéler une série de dossiers pédophiles.
Comment pourrait-il y avoir autant de disparitions liées de près ou de loin à cette affaire (…) si celle-ci était juste l’action d’une petite bande de malfaiteurs ?, s’interrogent Jean Nicolas et Frédéric Lavachery. Et de préciser que, à propos de ces disparitions subites et diverses, des gendarmes évincés de l’enquête avancent le chiffre de… 90 !
Les « réseaux » de pédophilie sur Internet
Alors que les réseaux pédocriminels dont on parle depuis le début de ce récit ne sont que très rarement évoqués ou reconnus par les milieux policiers, judiciaires et les médias, il est une sorte de « réseaux » dont on entend en revanche parler fréquemment : ce sont les « réseaux sur Internet », ou cybercriminalité pédophile…
Les médias publient régulièrement, sur la base d’informations policières ou judiciaires, des dépêches (plus rarement des articles) sur des opérations internationales avec l’arrestation, souvent, de dizaines de personnes dans de nombreux pays. En voici quelques exemples recueillis sur quelques mois en 2012 :
Autriche : arrestation de 20 personnes suspectées de pédophilie (médias)
VIENNE, 09 sept 2012 (AFP) – Vingt Autrichiens suspectés d’appartenir à un réseau international de pédophiles, ont été arrêtés par la police judiciaire fédérale autrichienne (Bundeskriminalamt), avec l’aide des autorités américaines, annonce le quotidien autrichien « Kurier », dans son édition à paraître lundi. (…)
L’opération a permis de mettre la main sur près de 1600 supports électroniques contenant des dizaines de milliers de documents à caractère pédophile. Les 20 Autrichiens, uniquement des hommes, sont âgés de 20 à 64 ans.
L’action menée par la police autrichienne s’inscrit dans une opération internationale baptisée « Gondola » et menée par les autorités américaines du Département de la sécurité intérieure (ICE).
Pour le moment, 32 personnes qui ont été arrêtées dans le cadre de cette opération, se trouvent en prison, notamment en Australie et aux Etats-Unis, selon les informations du « Kurier ».
France : centaine d’arrestations dans une opération anti-pornographie infantile
LILLE, 15 juin 2012 (AFP) – Une centaine de personnes ont été interpellées et entendues en qualité de témoins jeudi sur l’ensemble de la France dans le cadre d’une vaste opération anti-pornographie sur internet.
L’enquête est menée depuis plusieurs mois par la section de recherche de la gendarmerie d’Amiens (Nord), qui avait découvert des centaines de photos et de vidéos à caractère pédopornographique sur un site hébergé à l’étranger. (…)
USA : 190 interpellations lors d’une opération anti-pornographie infantile
WASHINGTON, 8 juin 2012 (AFP) – La police américaine a interpellé 190 personnes et porté secours à 18 enfants au cours d’une opération anti-pornographie infantile qui l’a menée aux Etats-Unis, mais aussi en Espagne, Grande-Bretagne, Argentine et Philippines, a-t-elle annoncé vendredi.
L’Agence d’immigration et des douanes américaine (ICE) a indiqué dans un communiqué que la plupart des arrestations avaient été effectuées en mai aux Etats-Unis lors de « l’opération Orion », mais que certains suspects avaient été arrêtés dans quatre autres pays. (…)
L’opération Orion visait les personnes « qui possédaient, recevaient, transportaient, distribuaient, faisaient de la publicité ou produisaient des photos ou vidéos de pornographie infantile », indique l’ICA. (…)
L’ICE, qui fait partie du département à la Sécurité intérieure, a procédé de septembre 2010 à septembre 2011 à 1455 arrestations dans le cadre d’enquêtes contre la pornographie infantile.
INTERPOL démantèle un trafic d’images pédophiles sur internet
LYON, 22 mai 2012 (AFP) – Une cinquantaine de pédophiles présumés ont été identifiés par INTERPOL et plusieurs arrêtés lors d’une vaste opération ciblant des groupes utilisant les réseaux sociaux pour s’échanger des images pédophiles, a annoncé mardi l’organisation policière internationale.
Lors de cette opération au nom de code « Laminar », lancée par INTERPOL en octobre 2010 à l’initiative de la Nouvelle-Zélande, 12 enfants de moins de 13 ans ont été identifiés et mis hors de danger, dont trois au Royaume-Uni et un en Nouvelle-Zélande, a souligné dans un communiqué l’organisation basée à Lyon.
En octobre 2010, la Nouvelle-Zélande avait alerté la cellule d’INTERPOL spécialisée dans les crimes contre les enfants, après avoir découvert qu’un grand nombre d’images pédophiles étaient échangées via les réseaux sociaux, notamment Facebook, Socialgo et groups.
Cette vaste enquête coordonnée par INTERPOL, avec notamment l’aide des services américains de l’Immigration, a permis d’identifier près de 80 groupes s’échangeant des images et des vidéos, dont certaines inédites, mettant en scènes des actes de pédophilie sur des enfants de moins de 13 ans, accompagnés de commentaires et de récits détaillés. (…)
Opération dans 141 pays contre des pédophiles sur internet
VIENNE, 04 juill. 2012 (AFP) – Une opération policière mondiale anti-pédophilie dans 141 pays a permis, à partir d’informations fournies par la police luxembourgeoise, d’identifier des centaines de pédophiles sur internet, a annoncé mercredi matin la police judiciaire fédérale autrichienne (Bundeskriminalamt).
Baptisée du nom de code « Carole » et entamée il y a près d’un an, l’opération policière a permis dans la seule Autriche l’identification de 272 personnes qui ont diffusé sur l’internet des vidéos et des photographies à caractère pédophile.
Il s’agit de la plus importante opération policière contre des réseaux pédophiles sur internet jamais réalisée en Autriche et, sans doute, dans le monde.
L’UE et les USA unis contre la pornographie infantile
COPENHAGUE, 21 juin (Reuters) – L’Union européenne et les Etats-Unis ont annoncé jeudi leur intention de coopérer plus étroitement dans la lutte contre la pornographie infantile sur internet.
« Il s’agit d’un phénomène odieux qui, malheureusement, progresse dans le monde entier, avec des enfants de plus en plus jeunes et c’est quelque chose que nous devons combattre parce que ce sont les plus vulnérables qui y sont exposés », a déclaré Cecilia Malmstrom, commissaire européen aux Affaires intérieures, lors d’une conférence de presse.
L’initiative a pour but de regrouper les instances de décision du monde entier pour identifier les victimes, leur venir en aide et faire en sorte que les responsables rendent compte de leurs actes, indique la Commission européenne dans un communiqué.
« Internet ne connaît pas de frontières et nous devons faire de même pour régler ce problème », a quant à lui souligné le Danois Morten Bodskov, lors de la réunion semestrielle entre ministres de la justice américain et européens, à Copenhague.
(John Acher, Jean-Philippe Lefief pour le service français)
On interpelle donc, puis condamne souvent, de nombreux « consommateurs » de pédopornographie sur Internet (mais qui n’abusent pas forcément des enfants). On arrête et condamne parfois aussi, dans le cadre de la même opération, ceux qui ont réalisé le matériel proposé sur la toile, et qui, donc, ont abusé des enfants qui figurent sur ces vidéos ou photos. On arrête et condamne enfin parfois, aussi, les « organisateurs », ceux qui permettent la mise en relation des « consommateurs » et l’échange de matériel sur Internet.
Et il faut souligner ici les très gros efforts réalisés ces dernières années, notamment grâce à une collaboration policière internationale toujours plus efficace. Les résultats, aujourd’hui, sont au rendez-vous.
Reste qu’on parle encore très peu des enfants victimes de cette cybercriminalité, même si certaines opérations ont permis d’en sauver quelques-uns parmi les dizaines, les centaines de milliers de victimes qui se retrouvent sur du matériel pédopornographique.
Mais surtout, ces « cyber-réseaux d’échange », sortes « d’amicales » de pédophiles ou d’amateurs de pédopornographie, aussi condamnables soient-ils évidemment, ne sont pas les réseaux pédocriminels dont on parle dans ce document. Ou du moins, ils n’en sont sans doute parfois qu’une filière (on pourrait presque dire filiale commerciale) forcément intéressante sur le plan financier.
En revanche, les réseaux pédocriminels que l’on évoque depuis la première page réussissent de toute évidence à échapper systématiquement à tout démantèlement et donc à toute condamnation judiciaire. Parce qu’ils sont protégés, parce qu’ils sont puissants, parce qu’ils « tiennent » et font chanter d’autres puissants, parce qu’ils pulvérisent victimes et plaignants grâce à des stratégies bien rodées, machiavéliques.
La psychiatrie comme usine à laminer les accusateurs
Les nombreux dossiers de mères françaises qui se sont adressées au CIDE le montrent : la psychiatrie – et en particulier l’internement psychiatrique – est un instrument régulièrement utilisé pour « faire taire » le parent accusateur.
Dans un livre publié en 2002 et intitulé « Enfermez-les tous ! Internements : le scandale de l’abus et de l’arbitraire en psychiatrie », Philippe Bernardet (sociologue et juriste, chargé de recherche au CNRS) et Catherine Derivery (journaliste et écrivain), brossent un portrait hallucinant de la psychiatrie française et de l’une de ses dérives : l’explosion du nombre d’hospitalisations psychiatriques forcées. Ils démontent l’implacable engrenage de l’enfermement administratif que la France est le seul pays européen à pratiquer. Ils expliquent comment la manipulation de la psychiatrie par l’administration, mais aussi leur connivence, rend cela possible.
Citons deux passages qui permettent de comprendre rapidement le contexte et la situation :
P. 209 : « En France, l’utilisation répressive de la psychiatrie n’est plus à démontrer. En 1997, elle a d’ailleurs été sanctionnée par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe dans l’affaire G. L. Chaque année, plusieurs centaines de personnes se retrouvent internées, au lieu d’être jugées pour des crimes ou des délits qu’elles ont commis, certaines le sont même après avoir purgé leur peine. D’autre le sont à la suite d’une mise en cause pénale, sans même que l’on se soit assuré qu’elles en étaient réellement les auteurs. Parfois encore, des personnes sont hospitalisées contre leur gré, à l’issue d’une ordonnance de non-lieu, sans que l’on soit même certain qu’un crime ou un délit ait été réellement commis ! »
P. 163 : « La loi de 1838, modifiée par celle de 1990, qui régit encore aujourd’hui l’internement psychiatrique, était (…) une loi de sûreté réservée aux aliénés. Puisque ceux-ci étaient en état de démence au moment de leurs actes, ils demeuraient pénalement irresponsables et la qualification pénale de leurs actes disparaissait. Par glissement subreptices, ce qui, de 1838 à 1990, justifiait l’internement ordinaire (la fréquence plus ou moins grande d’actes de démence) est devenu motif d’internement en UMD (Unité pour malades difficiles), cependant que l’internement a été généralisé à tout gêneur censé souffrir du moindre trouble mental aussi insignifiant soit-il. La contrainte n’a ainsi cessé de se banaliser tout au long du XXe siècle, et l’intolérance vis-à-vis de tout ce qui perturbe l’ordre social de s’accroître. La normalisation a fait son œuvre - l’ancien fou du village se promène aujourd’hui derrière les grilles d’un CHS (Centre hospitalier spécialisé), neuroleptisé pour le cas où. De 6000 internements en 1838, on est ainsi passé à plus de 50.000 hospitalisations sous contrainte officiellement enregistrées chaque année et à 600.000 admissions annuelles en psychiatrie. »
Et parmi les nombreux témoignages recueillis dans cet ouvrage, figurent – inévitablement, serait-on tenté de dire – des exemples de mères qui tentaient de protéger leur(s) enfants(s) d’abuseurs sexuels liés à des groupes plus larges : à des réseaux.
Il y a bien sûr l’affaire « des disparues d’Auxerre », retracée dans ses grandes lignes (p. 115 et suivantes), et qui révèle des structures organisées d’enlèvement, d’abus, de tortures d’enfants sur des dizaines d’années dans cette région. Deux « prédateurs » ont bien été condamnés, Emile Louis et Claude Dunand. Mais les enquêtes n’aboutiront pas beaucoup plus loin que la piste de ces deux criminels « isolés ». Ou alors, elles seront stoppées net. On retrouve, ici aussi, notre lot de cadavres sur la route de la vérité, dont celui du fameux gendarme Jambert, suicidé de deux balles dans la tête…
Mais une autre affaire, suivie pendant plusieurs années par Philippe Bernardet et qui aboutira aussi sur les bureaux du CIDE, permet au chercheur d’aiguiller le lecteur plus précisément sur la piste des réseaux : l’affaire M. (nommée Victoire Aymé dans l’ouvrage).
Dans le cas de cette famille, écrit Philippe Bernardet, « un fonctionnement bureaucratique autoritaire a conduit à écarter purement et simplement la mère de la prise en charge institutionnelle, rendant possibles les pires abus. Une fois encore, la psychiatrie est au cœur de ce détournement du service public de la protection de l’enfance. (…) Ainsi, au lieu de venir en aide à Mme Aymé et à ses enfants, on les a broyés. Pourquoi ? C’est ici que l’hypothèse de l’existence de réseaux à des fins inavouables prend toute sa consistance. Des journalistes – comme Laurence Beneux et Serge Garde dans leur « Livre de la honte » – ont déjà largement défriché ce terrain. Nous apportons ici notre pierre à l’édifice en livrant des éléments laissant penser que certains réseaux pourraient bien utiliser les services de psychiatrie infanto-juvénile de diverses façons, peut-être, d’ailleurs, à l’insu de ceux qui les dirigent ou qui y travaillent. »
Et d’expliciter dans les pages suivantes les curieuses coïncidences; le rôle pour le moins trouble d’une compagnie de taxis; un vice-président du conseil général de la ville concernée condamné à la même époque pour pédopornographie avec 56 autres personnes, ou encore l’envoi du fils de Mme M. dans plusieurs fermes équestres, dont le centre « Cheval pour tous » de la région de Climont, près de Colmar, qui se verra fermée avec l’arrestation en 2002 de son directeur François Superi pour viols et sévices sur les enfants.
Des mères que l’on fait passer pour « folles », que l’on interne, que l’on sépare de leurs enfants de manière, de toute évidence, totalement arbitraire : de nombreux dossiers du CIDE témoignent aussi de cette pratique couramment utilisée pour parvenir à les faire taire.
Les « fausses allégations »
Dans « Le livre de la honte – les réseaux pédophiles », Laurence Beneux et Serge Garde décryptent de manière détaillée (p. 107) ce qu’ils décrivent comme une véritable campagne, orchestrée depuis plusieurs années, autour d’un concept nouveau, celui des « fausses allégations ».
« Selon ses concepteurs et partisans, en cas de séparation d’un couple, une mère aurait tendance à inventer des violences sexuelles dans le seul but d’accabler son ex-conjoint. Pour que ses accusations soient mieux prises en compte, elle manipulerait son enfant avec suffisamment d’efficacité pour qu’il se plaigne, sans raison réelle, d’avoir été abusé. L’hypothèse pose comme une évidence que ce phénomène est suffisamment répandu pour devoir alerter les magistrats et les prier de ne plus être dupes des mères accusatrices et de leurs rejetons menteurs par procuration maternelle. »
Et les deux journalistes de dénoncer, exemples à l’appui, l’apparition de cette nouvelle notation de « fausses allégations » : « Accusation mensongère, faux témoignage, voire témoignage induit… Ces expressions existent et correspondent à des actes précis que la justice sait condamner. Pourquoi aurait-elle besoin de cette nouvelle notion, les « fausses allégations », qui ne répond à aucun besoin judiciaire ? (…) Alléger ? C’est mettre en avant, c’est prétexter. Ce n’est jamais innocent puisque c’est toujours pour se défendre ou se justifier. Autrement dit, par la magie des mots, le parent qui porte l’accusation devient, ipso facto, présumé coupable, capable de dire n’importe quoi pour faire triompher sa cause. »
Et de donner en exemple de ceux qui répandent cette notion, celui du docteur Paul Bensussan, psychiatre et expert auprès de la cour d’appel de Versailles. Il défend (ou devrait-on dire « répand » ?) cette thèse dans un ouvrage publié en 1999, « Inceste, le piège du soupçon » (Belfond).
Interviewé dans un article de « Libération » le 2 mars 2001, le psychiatre s’interroge : « Sait-on qu’aujourd’hui des centaines de fausses allégations sont portées à connaissance des parquets ? »
Or, il n’existe aucun chiffre officiel sur ces « fausses allégations », comme le reconnaîtra le docteur Bensussan interrogé en mai 2000 par Serge Garde et Laurence Beneux.
Les journalistes citent dans leur livre (p. 114) une autre référence incontournable pour justifier la non-prise en compte de la parole de l’enfant : Elle « nous vient du Canada en la personne d’Hubert Van Gijseghem, fréquemment sollicité en tant que conférencier dans le cadre de la formation des magistrats français. Il formule l’une de ses idées-clés en ces termes : « Les fausses allégations sont aussi délabrantes que les vraies ».
Mais certains, au sein de la justice, rejettent pourtant clairement cette théorie, à l’instar de Jean-Pierre Cochard, président de chambre honoraire à la Cour de cassation à l’époque du livre de Laurence Beneux et Serge Garde, et également à la tête d’un observatoire baptisé les « Equipes d’action contre le proxénétisme » (p. 115).
A propos des fausses allégations, il souligne que « ce concept ne veut pas dire grand-chose. Poser le problème ainsi, c’est manifestement tendancieux ».
Il est intéressant d’indiquer encore – et c’est encore Jacques Thomet qui le relève sur son blog - que les études faites par une série d’universités américaines sur des milliers de cas de viols recensés sur des enfants, montrent que les mères menteuses en cas de viol présumé du père représentent au maximum 6% des cas…
Justice incompétente, dépassée, manipulée ?
Jean-Pierre Cochard donne son point de vue sur la justice face à ces affaires (p. 117 et suivantes) : « Dans une affaire délicate d’agression sexuelle, prétendue ou avérée, on se retrouve devant une superposition de magistrats : le juge pénal, le juge d’instruction, le parquet, le juge des enfants et le parquet des mineurs, sans parler de l’intrusion du juge des affaires familiales. Dans les trois quarts de ces affaires, compte tenu des règles de compétences territoriales et de la mobilité des familles, on constate très souvent une succession de juges saisis, dans le temps et dans l’espace. De plus, les magistrats restent peu de temps dans leur fonction. D’où un enchevêtrement de procédures invraisemblable. Cela correspond à la justice du Moyen Âge ».
Autre souci pour Jean-Pierre Cochard, l’importance prise par les experts dans ces procédures. (…)
« Les experts outrepassent souvent leur fonction, et on les laisse outrepasser. L’hégémonie médicale dans le domaine du judiciaire devient insupportable. Il faut que la magistrature reprenne son emprise dans le domaine de sa compétence. »
Le magistrat déplore également le rôle de la médiatisation dans ces affaires, qui entraîne notamment et par réaction certains dogmatismes au sein de la magistrature : « Ainsi, la thèse trop souvent développée par des magistrats spécialisés, qui consiste à dire qu’un jeune enfant, dans ses allégations d’agressions sexuelles, ment dans la plupart des cas. Notamment dans le cas où cet enfant appartient à un couple déchiré, dans le cadre d’une procédure de divorce. Cette affirmation donnée par des magistrats, spécialisés et connus, est irresponsable. Et je pèse mes mots. Ce même dogme repris par des policiers, spécialisés et connus, est inadmissible. Dans la recherche de la vérité, particulièrement dans ce domaine, il n’est pas concevable qu’on puisse affirmer gratuitement que la vérité ne sort jamais de la bouche des enfants. Mais de l’autre côté, il est aussi inadmissible que des associations spécialisées, avec la meilleure des volontés du monde, voient partout des pédophiles. La vérité est relative. »
Jean-Pierre Cochard, dans sa lecture des comportements judiciaires, avance un autre phénomène permettant d’expliquer partiellement les choses : « Aujourd’hui, le viol est poursuivi et sanctionné sévèrement, ce qui est tout à fait normal. En revanche, dans le domaine de l’enfance, le tabou reste entier et conduit à ne pas admettre ou à vouloir ne pas trop savoir. Ce négationnisme relatif existe encore, et là ce n’est pas joint à des carences judiciaires liées à une insuffisance de moyens ou à des formations insuffisantes. Il s’agit de tabou. La pédophilie ? On ne doit pas en parler. Et cela se concrétise incontestablement par des classements sans suite, trop rapides. Des classements, sans suite, de débarras. »
Et de déplorer dans la foulée la surcharge récurrente des tribunaux de province où, parfois, les juges submergés de dossiers ne peuvent faire face : « Ce n’est pas un prétexte, c’est une réalité. Ou bien ils font de l’abattage, ou bien ils se débarrassent des dossiers, en multipliant les classements sans suite. Parce qu’ils n’ont pas le temps de saisir. »
Internet et la manifestation de la vérité
Sur les nombreux sites ou blogs (sérieux, moins sérieux, lamentables…) qui traitent de ces affaires, qui dénoncent les manipulations, les scandales, on tombe en permanence sur des infos qui ne sont plus disponibles, des liens caducs, une vidéo supprimée… Quant ce n’est pas tout simplement l’adresse du site qui se retrouve bloquée et qu’il faut relancer sous une autre url…
Pourtant, depuis l’essor de la toile, impossible de tout faire disparaître : chaque info censurée, bloquée, retirée, renaît en permanence ailleurs… On a vu précédemment ce qu’il est advenu de l’émission « Paroles d’enfants » (FR3), qui a littéralement ressuscité et trouvé une nouvelle vie sur la toile.
Internet devrait donc être un précieux allié de ceux et celles qui cherchent à démontrer la réalité d’une affaire, d’un réseau, d’une injustice. Mais il faut bien mettre un sérieux bémol à cela : l’avènement du tout et n’importe quoi sur la toile.
Nombre de sites personnels et de blogs reprennent et « copient-collent » des infos trouvées ailleurs sur le web (sans aucune vérification, évidemment), se reprennent et se recopient entre eux, partent dans tous les sens dans un enchevêtrement d’infos tombées d’on ne sait où, de délires portés par la subjectivité, l’émotion (quand ce n’est pas la bêtise pure et simple) de leurs auteurs, décrédibilisant du même coup toute information véridique au départ, toute affaire bien réelle mais qui devient, par son « cyber-traitement », bonne à jeter à la poubelle de l’information.
Comment, en effet, trier les infos sérieuses, vérifiées, des « post » anarchiques de ces sortes de chevaliers blancs du net qui s’improvisent momentanément pourfendeurs de la pédophilie et des réseaux ?
Il n’est pas question, ici, de « donner une leçon » de journalisme citoyen sur la toile, mais de faire comprendre combien ce type d’intervention peut être préjudiciable aux victimes d’une affaire pédocriminelle que d’autres intervenants (plus responsables) s’efforcent de dénoncer, témoignages et preuves à l’appui.
Comment, aussi, trier l’info de l’intox ?… Car ceux qui manipulent s’en donnent évidemment aussi à cœur-joie sur Internet, sachant pertinemment que – même si des accusations justes sont publiées, même si des affirmations exactes sont écrites – elles se mêleront inévitablement à la marée d’infos non vérifiées, recopiées, délirantes ou simplement fausses. Avec pour résultat un bouillon d’où rien ne ressort ou ne peut ressortir.
Et quand on parle d’intox, il faut également souligner ici le très gros soupçon que l’on peut avoir à propos de certains sites ou blogs évoquant des cas ou affaires pédocriminels. De toute évidence, une partie de ceux que l’on retrouve sur la toile existent, précisément, pour décrédibiliser, ridiculiser, balayer une information dérangeante… Une manipulation, une de plus. Mais tellement efficace !
Le doute, le rejet, le déni face aux horreurs décrites
Il faut bien l’avouer : pour qui ne s’est pas « immergé » dans ces affaires, comment croire à l’existence de telles horreurs ? Comment imaginer que la barbarie humaine, malgré tout ce que l’on sait d’elle, puisse atteindre de telles extrémités lorsqu’il s’agit d’enfants ?
Tous ceux qui ont enquêté peu ou prou sur ces dossiers ont passé par les mêmes sentiments d’incrédulité tout d’abord, de doutes maintes fois, de désespoir et d’impuissance souvent.
Bruno Fouchereau écrivait déjà, en 1997 (p. 145) : « Depuis le début de mon enquête sur la secte satanique de l’Alliance Kripten, une phrase que j’ai entendue dans des dizaines de bouches revient sans cesse à ma mémoire. Les hommes et les femmes qui la prononcèrent furent tous témoins ou victimes des camps d’extermination nazis et des goulags soviétiques. Cette phrase, nous l’avons tous entendue au moins une fois : « C’était tellement horrible, une telle abomination, que nous ne pouvions pas y croire, que cela ne pouvait pas être vrai… » Et pourtant cela était vrai !
« Lorsque Samir me raconta son histoire et que je commençai mon enquête, régulièrement, il me revenait à l’esprit cette réflexion : « Tout cela ne peut être vrai, c’est bien trop horrible, bien trop incroyable ! »
On retrouve le même sentiment – sincère ou feint – chez des policiers ou magistrats confrontés à l’abominable.
Ainsi, dans le cadre de l’affaire A. (un dossier examiné en détail par le CIDE), la juge d’instruction rejette en mai 1998 une demande de l’avocate de Mme A., Me Catherine Lardon Galote, la justifiant ainsi : « Attendu en effet que si on ne peut nier l’existence des sectes en France, ni leur emprise grandissante, il apparaît en revanche inimaginable que dans le cadre de ces groupements, il puisse y avoir, ainsi que le déclare O., des têtes d’enfants au bout de piques qui brûlent, une tête et des mains d’enfant coupés et des bocaux sur une table contenant des mains d’enfants. Attendu d’autre part, bien que J. ait déclaré au cours de la confrontation que des femmes mettaient aussi leur zizi dans sa bouche et dans ses fesses, cela est à l’évidence matériellement impossible. Par ces motifs, rejetons les demandes d’investigations supplémentaires… »
De deux choses l’une : ou bien cette magistrate agit sciemment en vue d’éviter toute enquête supplémentaire afin de protéger des personnes; ou bien elle ne peut effectivement pas « humainement » imaginer de telles scènes de barbarie et en rejette purement et simplement toute possibilité. Mais elle agit alors non pas en magistrate dénuée d’a priori, mais en personne submergée par ses émotions.
Dans l’émission « Paroles d’Enfants » de mars 1999 (FR3), dont le reportage fait lecture de ces conclusions, la substitut du Procureur Martine Bouillon donne une première explication dans le débat qui suit : « On vient de comprendre que la pédophilie existait, on ne peut pas encore comprendre qu’il existe encore pire que la pédophilie – dirais-je – simple. Et il y a des gens qui résistent encore de toutes leurs forces et de tout leur intérieur. Et visiblement, le juge d’instruction (en question), celui-là résiste et résistera toujours…
Quoi qu’il en soit, son rejet des allégations de J. s’agissant d’un zizi de femme dans la bouche montre au mieux sa méconnaissance des possibilités infinies en matière de jeux et jouets sexuels, voire de travestisme…
Eric Raynaud, dans l’épilogue de son livre « Les réseaux cachés des pervers sexuels » (une enquête qui l’a conduit d’un pédophile apparemment isolé à toutes les grandes affaires en lien avec l’Yonne, d’Emile Louis à Claude Dunand, des pasteurs Glengross à Doucé), explique le choc psychologique de ce travail d’enquête et des révélations auxquelles il a mené : « J’avoue que j’ai dû me poser des questions, à un moment donné. Trop d’infos, trop de coïncidences, trop de situations tordues, trop de rapports directs ou indirects avec les plus hautes sphères. Trop de choses et de situations assez incroyables, aussi, notamment du côté de l’appareil judiciaire, qu’il m’était difficile d’assimiler sereinement et avec le recul nécessaire. »
Tous ceux qui ont été confrontés à ces dossiers sont passés par là. Le CIDE aussi. Mais plus le temps passait, plus les dossiers s’accumulaient et se cumulaient, plus l’incrédulité s’éloignait.
Face aux faits, aux témoignages d’un dossier à l’autre, d’une région, d’un pays à l’autre, le doute n’est tout simplement plus permis.
On a vu dans le premier chapitre consacré à l’affaire Dutroux que deux thèses vont s’affronter jusqu’au procès, baptisées par la presse celles des « croyants » et des « non-croyants » – autrement dit, ceux qui croient en l’existence d’un vaste réseau et ceux qui penchent pour le prédateur isolé.
Lorsqu’ils publient leurs articles sur l’affaire des CD-ROM de Zandvoort, Laurence Beneux et Serge Garde vont se retrouver confrontés au même « glissement » sur le terrain de la foi. Ils témoignent dans leur livre (p. 64) : « Face à l’enquête que nous avions effectuée, nous avons vite constaté la montée d’une contre-offensive qui visait à amener le débat sur le terrain de la foi. On y croit ou non. (…) Nous n’avons pas cherché à élaborer une thèse, encore moins une croyance. Nous avons exposé des faits. Ils doivent être examinés et servir en tant que tels. (…) On ne peut croire ou pas au CD-ROM. Il existe. En le regardant, on voit des enfants violés. C’est ainsi. »
Pourtant, la grande majorité de la presse, de la justice, des politiques nient régulièrement et avec obstination l’existence de structures de type réseau pédocriminel.
Un autre exemple, édifiant, est rappelé par Laurence Beneux et Serge Garde (p. 65) : celui du « procès de Draguignan », en 1997. C’était la première fois en France que la loi sur le tourisme sexuel était appliquée. Elle permet de condamner plusieurs individus pour avoir abusé sexuellement de mineurs à l’étranger. Problème : cette affaire, précisément, a été « réduite », si l’on peut dire, à une affaire de tourisme sexuel. Or, comme le substitut du Procureur de Draguignan lui-même l’a souligné dans son réquisitoire : « Les investigations diligentées dans le cadre de cette information permettaient de mettre à jour l’existence d’un réseau organisé de pédophiles agissant tant en France qu’à l’étranger. »
Effectivement, l’enquête a permis d’établir un vaste réseau mêlant des Français et des Belges, et couvrant de nombreux pays (Thaïlande, Roumanie, Philippines, Maroc, Pays-Bas…) Mais la France aussi faisait partie de leur territoire de chasse, soulignent les deux journalistes évoquant des enfants étrangers ou français échangés, violés, filmés, photographiés et envoyés à ces fins aux quatre coins de la France.
L’instruction permettra ainsi, au cours du démantèlement du réseau, de récupérer deux mineurs roumains, qui seront placés sous protection. Mais ils ne témoigneront pas au procès : entre temps, l’administration chargée de leur sécurité les a… perdus !
Le procureur Etienne Ceccaldi confirmera même un autre fait hallucinant à Laurence Beneux et Serge Garde : l’un des accusés habitait le Palais de justice de Paris où il avait l’habitude de se servir dans les scellés. Autrement dit, il réintroduisait dans le circuit des documents pédosexuels déjà saisis par la police ! Il a même été établi que des documents vidéo avaient été tournés dans les murs du Palais de justice…
Pire : pendant le procès, sont diffusés des films insoutenables, des « snuff movies ». La projection sera arrêtée après 20 minutes, témoigne le procureur Ceccaldi devant les caméras de «Canal+» : « La vision d’enfants torturés à mort, et tout cela à des fins mercantiles, est proprement insoutenable », conte-t-il.
Comment donc, alors, avec toutes les preuves matérielles d’un vaste réseau organisé et ses nombreuses ramifications internationales, parvient-on à la seule condamnation de faits relevant du tourisme sexuel, sans que personne ne réagisse ?
Parmi les victimes dont le CIDE a recueilli les témoignages, V. L. a pourtant vécu la même chose : elle a décrit en détails le vaste réseau dans lequel elle a baigné toute son enfance, cité de nombreux noms, lieux, faits au moins aussi insoutenables. Ses parents seront condamnés à des peines exemplaires en 2001, mais « seulement » pour avoir prostitué leurs filles. Le réseau dénoncé ? Pshitttt… Disparu. Inexistant…
2002-2012 : le massacre des innocents continue….
Quel événement, quel déclic, qui (et comment ?) pourrait faire aujourd’hui tomber le rideau, les masques, et révéler au grand jour l’existence, la réalité, toute la vérité sur ces réseaux pédocriminels ?
En 1997 déjà, dans son livre, Martine Bouillon semble ne se faire aucune illusion : « Le problème de fond est qu’on ne parviendra pas à démanteler les réseaux tant qu’ils toucheront des personnages et des milieux trop puissants pour qu’on puisse s’y attaquer. De telles organisations sont infiniment plus fortunées et protégées qu’on ne l’imagine. (…) De temps en temps, surgit une partie émergée de l’iceberg : c’est l’affaire Dutroux, manifestement un tout petit membre d’un réseau considérablement plus vaste. Car Dutroux n’est qu’un pourvoyeur d’enfants, un rabatteur, et tout le monde a compris que, derrière lui, se cachait toute une structure. On ne sait pas de quelle ampleur, on n’arrive pas à la pénétrer, parce que certains « couvrent ».
Lorsqu’il écrit son livre sur Samir Aouchiche en 1997, Bruno Fouchereau, au-delà de ses doutes, de ses moments de désespoir, y croit encore. Il écrit (p. 146) : « Il aurait été plus simple de rejeter cette vérité. Il aurait été facile de ne pas trop « y regarder » et ainsi de ne pas faire le constat des preuves accablantes. Si nous avions choisi de détourner le regard, qui aurait pu nous jeter la pierre ? Ce péché-là est bien trop répandu. Tout d’abord dans la police et la justice qui, depuis des années, n’ont qu’un mot d’ordre au sujet de la prostitution enfantine : « Les réseaux de pédophiles n’existent pas. Et les assassinats rituels d’enfants sont des fantasmes. Si cela existait, nous serions au courant !… » Mais cela existe, l’interminable cortège des révélations de l’affaire Dutroux nous le rappelle quotidiennement. Et ceux qui veulent croire que la France, paradis de vertu, sortira indemne de l’enquête des policiers belges – qui ont d’ores et déjà mis en évidence le réseau international dont faisait partir Dutroux et son complice français Bernard Weinstein - s’illusionnent tristement. « Les faits sont têtus. » Et nous en sommes réduits à constater que l’horreur, hier comme aujourd’hui, est là juste à côté de nous ».
Au moment où Bruno Fouchereau écrit ces lignes, on n’en est malheureusement qu’au début des nombreux rebondissements policiers et judiciaires de l’affaire Dutroux qui mèneront au procès et au verdict de 2004, avec la négation précisément de l’existence de tout réseau. Le journaliste pensait évident en 1997 que toute l’affaire, la vraie, avec ses ramifications aux plus hauts niveaux de la société belge et à l’échelon international, allait être déballée sur la place publique. Las ! Il se fourrait profondément le doigt dans l’œil.
Force est de constater que rien ne bouge, rien ne se passe, quelles que soient les informations, les enquêtes, les témoignages au fil des nombreux livres écrits sur la question, au fil des (moins nombreux) documentaires, émissions ou reportages TV (comme la fameuse émission d’Elise Lucet sur «FR3»).
Dans leur livre « Dossier Pédophilie – Le scandale de l’affaire Dutroux », Jean Nicolas et Frédéric Lavachery constatent (p. 142) : « En tout cas, pas de doute, aux quatre coins de l’Europe, des notables comme des voyous, des membres de l’élite comme des truands se retrouvent pour participer à des orgies. (…) Et quand elles mettent en scène des enfants, alors là il s’agit d’un crime. Mais comment faire cesser ce massacre des innocents quand tant d’intérêts financiers, politiques ou individuels paraissent en jeu ? Que faire quand, face à une internationale de la dépravation, la justice ou les enquêteurs disposent de peu de moyens ou quand certains de leur membres peuvent avoir intérêt - directement responsables, pris au piège par des connivences ou victimes eux-mêmes de pressions ou de chantages – à faire trébucher les investigations ? »
De quoi démoraliser, démotiver, désespérer tous ceux (journalistes, avocat(e)s, médecins, membres d’associations…) qui ont croisé un jour ces réseaux et ont tenté de faire éclater la vérité, ne serait-ce que sur une seule affaire !
Nombre d’entre eux et d’entre elles ont abandonné, baissé les bras, rendu leur tablier, écœuré(e)s… D’autres y croient encore, s’accrochent à ce qui est devenu pour certain(e)s le combat d’une vie. Certains, comme Jacques Thomet, passent par des moments de désespoir absolu. Il écrit ainsi sur son blog le 1er novembre 2012 : « Sportif dans l’âme, je reconnais ma défaite. Les pédophiles, d’une puissance inimaginable dans tous les secteurs de la société, sont les plus forts. Vingt mois d’enquête n’auront servi à rien malgré les preuves accumulées, qu’aucun éditeur n’a daigné publier. Et pourtant, quelles bombes elle contenait ! Je regrette d’avoir suscité des espoirs que je suis incapable de conforter, et c’est là une triste désolation, pour toutes les victimes et pour moi. Mon site prend fin ici. A d’autres de prendre le relais, dont je ne me sens plus digne. »
Il a, depuis, « repris du poil de la bête » et poursuit ses enquêtes aux dernières nouvelles…
Mais que faire alors ? Que proposer pour que les pédophiles ne soient plus les plus forts ? Cette idée, sans doute, qui travaille le CIDE et d’autres avec lui : des Etats généraux sur les réseaux pédocriminels. Une sorte de mise à plat et une synthèse des connaissances, avec des représentants de toutes les parties concernées, avec ceux qui ont enquêté, ceux qui ont instruit, ceux qui ont écouté, soigné, défendu les victimes; une réunion qui permettrait d’associer toutes les forces, les compétences, et lancer des pistes pour tenter d’abattre ne serait-ce que quelques pierres du mur et espérer – qui sait ? – faire tomber un jour ce mur de la honte : celui à l’abri duquel œuvrent tranquillement, aujourd’hui et demain encore, les réseaux pédocriminels.
CIDE, novembre 2012.
ANNEXES
1) Bibliographie
« Dossier Pédophilie – Le scandale de l’affaire Dutroux », Jean Nicolas et Frédéric Lavachery, Flammarion, 2001.
« Le livre de la honte – les réseaux pédophiles », Laurence Beneux et Serge Garde, le Cherche Midi, éditeur, 2001.
« Affaire Alègre – La vérité assassinée », Gilles Souillés, éditions Hugo & Compagnie, 2007.
« Outreau, la vérité abusée – 12 enfants reconnus victimes », Marie-Christine Gryson, éditions Hugo & Cie, 2009.
« Je suis debout : L’aîné des enfants d’Outreau sort du silence », Chérif Delay et Serge Garde, Le Cherche Midi, 2011.
« Viol d’anges – Pédophilie : un magistrat contre la loi du silence », Martine Bouillon, éditions Calmann-Lévy 1997.
« L’Enfant sacrifié à Satan », Bruno Fouchereau, éditions Filipacchi 1997.
« Confessions-Mémoires de l’exorciste officiel du Vatican », entretiens du Père Gabriele Amorth avec le journaliste Marco Tosatti, aux Editions Michel Lafon.
« Enfermez-les tous ! Internements : le scandale de l’abus et de l’arbitraire en psychiatrie », Catherine Derivery et Philippe Bernardet, éditions Robert Laffont, 2002
« Monsieur, frère de Louis XIV », Philippe Erlanger, Perrin, 1998.
« L’omertà française », Sophie Coignard et Alexandre Wickham, Albin Michel, 1999.
« Le rapport omertà 2002″, Sophie Coignard, Albin Michel, 2002.
« L’histoire vraie des tueurs fous du Brabant », Michel Leurquin, Patricia Finné, Julien Sapori, La Manufacture de livres, 2012.
« Les réseaux cachés des pervers sexuels », Eric Raynaud, Editions du Rocher, 2004.
« La pédérastie en Belgique de Saint-Tropez à Charleroi », P. S. Candidus, éditions Scaillet, Charleroi, 1998.
« Les Dés étaient pipés. Conspirations à la Sûreté de l’Etat », Victor Massart, éditions Quorum, 1997.
« Inceste, le piège du soupçon », Paul Bensussan, Belfond, 1999.
2) Le Comité international pour la dignité de l’enfant (CIDE) en dates et actions :
Depuis 1991, date de sa fondation, et jusque dans le milieu des années 2000, le CIDE (http ://cide.ch/) a mené à bien de nombreuses opérations.
1991-92 : Démantèlement d’une agence de voyages
Alerté par un journaliste, le CIDE s’est penché sur le cas d’une agence zurichoise, dont l’activité essentielle était de favoriser le tourisme sexuel pour pédophiles. Après enquêtes tant en Suisse qu’en Thaïlande, plainte pénale a été déposée en février 1992. L’agence en question a été exclue de la Fédération suisse des agences de voyages et a dû déposer son bilan peu après.
1992 : Libération de 153 jeunes Birmanes
Dans le nord de la Thaïlande, plusieurs dizaines de jeunes femmes birmanes étaient retenues prisonnières et forcées à la prostitution dans des maisons closes. Plusieurs témoins ont affirmé que ces prisonnières étaient purement et simplement abattues lorsqu’elles tombaient malades. A la suite d’une longue et difficile enquête, le CIDE a envoyé au gouvernement thaïlandais un rapport avec la liste nominative des victimes à libérer. En juillet 1992, on apprenait officiellement la libération de 153 prisonnières à la suite d’une vaste opération de police.
1993 : Soutien financier à un programme thérapeutique
En Suisse romande, le CIDE a permis d’apporter un soutien financier à un programme thérapeutique lié à la problématique des abus sexuels.
1993 : Soutien financier aux enfants de Manille
Le CIDE a apporté un soutien financier à une association philippine qui vient en aide aux enfants emprisonnés à Manille.
1993 : Prix des Droits de l’Homme pour le CIDE
Les lecteurs du journal français «LA CROIX L’ÉVÉNEMENT» et du quotidien suisse «LA LIBERTÉ» ont attribué au CIDE le 12e Prix des Droits de l’Homme. Choisi parmi six dossiers candidats, le CIDE a remporté ce prix avec plus de 1300 voix. Un chèque de 1003000 FF a été remis à son fondateur.
1993 : Dénonciation pénale d’un ressortissant argovien
Pour constituer le dossier de cette dénonciation pénale pour trafic d’enfants et pédophilie, le CIDE s’est appuyé sur une émission de «TF1» et une émission de « Temps Présent », puis a envoyé aux Philippines un enquêteur qui a recueilli de nombreuses pièces à charge qui ont été transmises à la justice suisse.
Le ressortissant argovien a été arrêté par les autorités genevoises et condamné en 1996 à 5 ans de réclusion. Le CIDE a fourni un avocat à la victime pour la défense de ses droits.
1994 : Création d’un réseau d’avocats
En Suisse, mais aussi à l’étranger, quelques avocats se sont engagés bénévolement à se tenir à la disposition du CIDE pour défendre les victimes des violations des droits de l’enfant. Plusieurs actions ont pu être ainsi réalisées.
1994 : Enquête en Russie dans des prisons pour enfants
Lors d’une mission effectuée dans la région de Saint-Pétersbourg, une journaliste suisse et un médecin français, mandatés par le CIDE, ont découvert de graves violations des droits de l’enfant dans des orphelinats et des prisons pour enfants :
- sous-alimentation et hygiène déplorable dans des orphelinats/mouroirs ;
- espérance de vie très limitée pour des enfants dits atteints de maladies mentales, d’où un taux de mortalité excessif ;
- condamnations en disproportion avec les fautes commises; ostracisme, sévices sexuels fréquents dans des prisons surpeuplées.
Depuis 1994 le CIDE soutient sous forme de parrainage une association locale russe basée à Saint-Pétersbourg, qui agit auprès de ces enfants.
1994 : Enquête au Mali sur le sort d’enfants emprisonnés
Au Mali, dans la prison centrale de Bamako, de graves violations des droits de l’enfant ont été mises à jour par une équipe d’enquêteurs du CIDE.
Ceux-ci ont découvert que des abus sexuels sont perpétrés sur des mineurs en détention par d’autres détenus qui en ont la garde. Par ailleurs, bon nombre d’enfants emprisonnés n’ont pas accès aux soins indispensables auxquels ils ont droit.
Le CIDE a interpellé le gouvernement du Mali ainsi que plusieurs instances internationales pour dénoncer ces violations des droits de l’enfant.
1995 : Affaire « Nice-Monaco »
Cette affaire « Nice-Monaco » met en cause au moins trois enfants qui ont été victimes d’un important et puissant réseau pédophile basé principalement dans le sud de la France. Les enquêteurs et tous les experts du CIDE ont été mobilisés. Il est apparu de graves dysfonctionnements de la justice française. Les échos parus dans la presse internationale ont fait état de ces dysfonctionnements et des tissus de protection dont bénéficient parfois certains réseaux pédophiles.
1995-97 : Cassettes par centaines
A la suite de la découverte, à Zurich, d’un stock de cassettes vidéo pornographiques mettant en scène des enfants, le CIDE a pu mettre à la disposition de la justice de ce canton un important dossier relevant les très graves agissements d’un ressortissant allemand qui a été arrêté en Tchéquie. Grâce à la collaboration avec d’autres ONG et une enquête minutieuse, il a été possible de mettre en parallèle d’autres agissements délictueux de cet individu, notamment aux Philippines où il a abusé de plusieurs mineurs.
1995-98 : Pédophiles suisses au Sri Lanka
Le CIDE met fin aux activités de deux pédophiles suisses sévissant au Sri Lanka. Toute la presse a évoqué le cas de ce millionnaire industriel zurichois qui était accusé d’avoir abusé dans ce pays d’environ 1500 jeunes mineurs ! Grâce à une enquête d’une année et au dossier complet fourni par le CIDE qui prouvaient sa culpabilité dans environ une dizaine de cas, ce pédophile a pu être expulsé du Sri Lanka et condamné en Suisse à une peine de 4 1/2 ans de détention.
En 1996 toujours, le CIDE a également fait arrêter un enseignant valaisan. Sous couvert d’aide humanitaire, ce dernier hébergeait un jeune Sri Lankais dont il abusait. Propriétaire d’une grande villa au Sri Lanka, lui aussi y consommait de jeunes garçons. Il a également été condamné à six ans de prison.
1996 : Actions en faveur de modifications législatives
En novembre 1996, le CIDE demande des changements dans notre législation en intervenant auprès de tous les Conseillers nationaux et auprès de tous les Conseillers d’Etat pour que la simple possession de cassettes vidéo pornographiques mettant en scène des mineurs tombe sous le coup de la loi. Depuis, notre législation a changé et considère comme illicite non seulement la transmission ou la vente de telles cassettes mais également leur détention.
1997 : SOS Algérie
Devant la multiplication des horreurs perpétrées en Algérie contre des victimes innocentes, notamment des femmes et des enfants, le CIDE lance une pétition adressée au Conseil fédéral pour demander que le gouvernement suisse offre ses bons offices et mette sur pieds une conférence internationale. La pétition recueille des milliers de signatures et est transmise au Conseil fédéral. « Devant de tels massacres, il est important que la clameur de l’indignation soit portée jusqu’aux plus hautes autorités
1997 : Le CIDE est invité à INTERPOL
Plusieurs associations et personnalités engagées dans la lutte contre la pédophilie se retrouvent en mai 1997 au siège principal d’INTERPOL à Lyon pour une séance de coordination.
1999 : Rapatriement du Brésil de deux enfants kidnappés
Le CIDE vient en aide à une maman à qui on avait attribué la garde de ses deux enfants. Ces derniers avaient été kidnappés par leur père sur une piste de ski au Brassus et emmenés au Brésil.
Après une longue et minutieuse enquête menée en collaboration avec le Mouvement suisse contre l’enlèvement des enfants, des informations capitales ont été transmises aux autorités.
Celles-ci ont conduit au retour de Mathias et Jonas auprès de leur mère.
2000 : Dénonciation de la banalisation de la pédophilie par la chanson
Le chanteur, le parolier et le pédophile. Luc Plamandon, parolier de « Notre-Dame de Paris », vient d’écrire pour Garou une chanson sulfureuse. Considérant qu’elle contribue à banaliser la pédophilie, une Neuchâteloise veut la faire interdire d’antenne. Elle est soutenue par le CIDE.
2000 : Dénonciation de sites pédophiles
En avril 2000, le CIDE a dénoncé 33 sites à caractère pédophile auprès de la brigade des mineurs et des mœurs de la police vaudoise; après enquête, celle-ci a transmis aux autorités fédérales les informations nécessaires pour que ces sites soient dénoncés auprès des autorités des pays étrangers concernés. Depuis cette date, le CIDE a encore dénoncé une soixantaine d’autres sites à caractère également pédophile.
2000 : Rapatriement d’Égypte d’une enfant kidnappée
Le CIDE vient en aide à une maman à qui on avait attribué la garde de sa fillette. Celle-ci a été kidnappée par son père à l’occasion d’un droit de visite en avril 1999 et emmenée en Égypte.
Après plusieurs jours de négociations avec le père sans résultats positifs, celui-ci est arrêté à Lausanne à la sortie d’un restaurant. Cette fois, c’est un juge d’instruction qui mène la négociation et le père obtient d’être libéré s’il donne les éléments nécessaires pour faire revenir l’enfant en Suisse. Sarah est arrivée en Suisse Dimanche 16 avril 2000 avec sa mère et le délégué du CIDE, dépêchés au Caire.
2001 : CD-ROM pédophiles
L’examen minutieux de plusieurs dossiers français a permis de découvrir des similitudes étranges entre des lieux, des agresseurs, des victimes et des intervenants.
Des familles et des victimes, qui ont pu visionner le CD-ROM pédophile remis à la police genevoise par le CIDE, ont pu reconnaître des visages d’enfants et d’agresseurs. Des instructions sont en cours. Nous suivons ces dossiers attentivement.
2002 : Soutien du CIDE à la Fondation éthique familiale
En juillet 2002 le CIDE a effectué un versement de CHF 5000 au profit de la Fondation éthique familiale. Cette institution, créée en juin 2002, a mis sur pied une structure unique en Suisse : la Consultation interdisciplinaire de la maltraitance intrafamiliale (CIMI). Elle s’occupera globalement de l’entité familiale en difficulté au lieu d’en traiter chaque membre comme cela se fait ordinairement.
2002 : Analyse transversale
Le CIDE, ayant en sa possession de nombreux dossiers dans lesquels les enfants relatent des abus commis dans le cadre de réseaux, décide d’engager un journaliste spécialisé dans l’investigation afin de mener une analyse transversale de ces différentes affaires. Cette enquête a été d’une grande utilité, car elle nous a permis d’établir des liens entre certaines de ces affaires.
A l’heure actuelle ces liens ne constituent pas des preuves permettant la réouverture de ces dossiers mais le CIDE dispose désormais de nombreuses informations détaillées et précises que notre Fondation continuera à exploiter avec pour objectif l’arrestation des pédocriminels.
Cette enquête a pu être menée grâce au soutien de l’association AIG, Action Innocence Genève.
2002 : Soutien à une victime d’un réseau de prostitution enfantine
Le CIDE apporte son soutien, aide financière et logistique, à une jeune femme victime pendant son enfance d’un réseau de prostitution enfantine. L’enquête se poursuit après la condamnation du père et de la mère à respectivement 12 et 16 ans de réclusion criminelle pour viols et actes de barbarie. Elle s’est réfugiée en Suisse, pendant plusieurs mois, suite aux menaces dont elle a fait l’objet de la part des membres du réseau qu’elle a dénoncé.
L’association Action Innocence Genève a également contribué au soutien apporté à cette jeune femme.
2003 : Affaire « Malaisie »
Après avoir pris connaissance du cas de deux fillettes enlevées par leur père de la Suisse vers la Malaisie en 1993, le CIDE a appuyé leur mère dans ses démarches juridiques. Malgré la condamnation en Suisse du père pour kidnapping et séquestration aggravée, le lieu où se trouvaient les fillettes durant ces 10 ans n’a jamais été révélé. Les interventions de la Chancelière de l’Ambassade de Suisse à Kuala Lumpur, le Procureur de Genève et de l’Office Fédéral de la Police ont été déterminantes pour le rapatriement de ces enfants en Suisse, fin septembre.
2004 : Jeunes Filles menacées de mort
Deux jeunes filles ont alerté leur entourage pour un cas de maltraitance aggravé par des menaces de mort de leurs proches. Le CIDE a été sollicité dans ce cas pour trouver une solution juridique ainsi que pour offrir une aide pour protéger ces deux jeunes filles.
3) Un article de l’hebdomadaire suisse « L’Hebdo » publié le 12.12.1996 :
Le système Glatz, pourchasseur de pédophiles
Que faire face aux abus sexuels envers les enfants ? L’avis de Georges Glatz, qui dirige une organisation internationale spécialisée dans la lutte contre ce fléau. Malades, pervers, criminels, les pédophiles défraient la chronique des tribunaux à un rythme accéléré. Fin novembre s’ouvrait à Colombo le procès d’un industriel zurichois. Début décembre, un Valaisan était arrêté à Sion.
La semaine passée la justice vaudoise condamnait un enseignant à deux ans de prison. Ces trois hommes, familiers du Sri Lanka, assouvissaient depuis des années leur perversion sur des enfants de ce pays. Les abus sexuels contre des enfants de chez nous ne sont pas en reste, il suffit pour s’en convaincre de consulter les agendas de nos tribunaux de district. Les deux premières des trois affaires précitées doivent d’être sorties de l’ombre à une organisation ayant son siège à Lausanne, le CIDE (Comité international pour la dignité de l’enfant), que dirige son fondateur Georges Glatz, 50 ans. Ancien journaliste à la radio et à la télévision romande, candidat malheureux au Conseil d’Etat lors du scrutin de septembre, il est aussi depuis quatre ans délégué cantonal vaudois à la prévention des mauvais traitements envers les enfants. Il porte donc deux casquettes de même nature et complémentaires.
- Dans quelles circonstances avez-vous créé le CIDE ?
- Cela remonte à un « Temps présent » (émission de la Télévision suisse romande) que j’avais entrepris en 1992 sur le tourisme sexuel et la prostitution des enfants. Nous avions repéré une agence touristique suisse, Partner Travel, qui vendait des voyages en Thaïlande plus que suspects. La TV avait finalement décidé d’abandonner le projet, la direction estimant que sa réalisation prendrait trop de temps. C’est après cette expérience avortée que j’ai décidé de créer le CIDE, en commençant avec le cas de cette agence, en collaboration avec «L’Hebdo» par un reportage en Thaïlande. Partner Travel a cessé depuis lors ses activités.
- Vous opérez en traquant les pédophiles, ceux qui pratiquent le tourisme sexuel. Comment vous y prenez-vous ?
- Notre but est en effet de repérer les adultes qui violent la dignité de l’enfant, que ce soit en Suisse ou ailleurs, d’établir des preuves, de les dénoncer à la justice, helvétique ou autre. Notre action s’arrête où commence celle de la justice.
- Peut-on dire que par ces méthodes le CIDE se substitue à la police ?
- Non, car nous agissons sur des terrains où elle n’est pas toujours en mesure d’opérer, notamment envers la pédophilie sévissant dans les pays lointains, qui lui échappe grâce au laisser-faire dont elle bénéficie sur place.
- Qui opère sur le terrain ?
- Le CIDE est reconnu d’utilité publique mais ses moyens sont artisanaux. Nous n’avons pas de quoi rétribuer des enquêteurs permanents. Nous opérons souvent en association avec des journalistes. Ce genre de collaboration a plusieurs avantages : elle nous coûte un minimum, le journaliste est motivé, son journal également et l’information sensibilise le public au problème.
Nous travaillons aussi, notamment en Europe, avec des détectives privés mais c’est cher et rares sont ceux qui peuvent nous offrir bénévolement leurs services. Dans les pays du tiers monde, nous opérons de plus en plus souvent avec des associations locales, comme Peace au Sri Lanka ou Virlanie aux Philippines. Nous avons aussi constitué un réseau bénévole d’avocats et de juristes, suisses et étrangers, avec lesquels nous travaillons en étroite collaboration.
- Le système Glatz, en somme. Est-ce par ces moyens que vous avez pu dénoncer l’industriel zurichois en cours de jugement au Sri Lanka ?
Oui, c’est un bon exemple et il est de taille dans la mesure où cet homme a assouvi ses pulsions sur des centaines de jeunes garçons de ce pays. Son cas nous a été signalé par une association locale qui n’était pas en mesure de le dénoncer étant donné les appuis dont il bénéficiait au Sri Lanka où il avait créé plusieurs entreprises. Nous avons envoyé deux enquêteurs, des journalistes suisses se faisant passer pour un couple. Ils ont enquêté sur place et recueilli des témoignages d’enfants qu’ils nous ont remis. Nous avons dénoncé le cas à Peter Blaser, chargé de la traite des êtres humains à l’Office fédéral de la police, qui a saisi les autorités sri-lankaises, lesquelles ont chargé du dossier un magistrat qui s’est rendu en Suisse et s’en est retourné avec un mandat d’arrêt. L’homme a été incarcéré, libéré sous caution – mille francs suisses alors qu’il est multimillionnaire – il y a eu en sa faveur des manifestations d’ouvriers et de mères de famille, et le procès, qui devait s’ouvrir fin novembre à Colombo, a été reporté à février 1997. De sorte que c’est un dossier que nous continuons de suivre car il est hors de question pour nous de laisser s’évaporer une affaire aussi grave. S’il échappe à la justice sri-lankaise, la justice suisse devra se charger de son cas, la loi le lui permet.
- Le CIDE est aussi à l’origine de la récente arrestation du pédophile sédunois. Comment l’avez-vous repéré ?
- Cela s’est passé plus soudainement. C’est une voisine qui a alerté le CIDE après avoir remarqué qu’il vivait avec un mineur de 13 ans dont elle le soupçonnait d’abuser sexuellement.
Nous nous sommes assurés du bien-fondé de ses soupçons, nous avons enquêté sur ses activités au Sri Lanka où il n’est pas exclu qu’il faisait partie du réseau de complices qui y retrouvaient le Zurichois.
- Sur quels dossiers brûlants travaillez-vous actuellement ?
- Nous sommes débordés et devons faire des choix. Nous sommes sollicités pour une dizaine de cas chaque mois. Nous avons plusieurs enquêtes en cours conduites par des détectives privés, concernant des propagateurs de cassettes pornos opérant en Suisse. Je ne peux pas être plus précis car je risquerais de leur donner des indices. Nous sommes toujours très actifs dans les pays propices au tourisme sexuel où nous avons des programmes d’assistance à des associations locales. Nous en avons un également en Russie avec une association qui s’occupe d’enfants détenus dans des prisons épouvantables.
- Vous dites que vous manquez de moyens propres à l’association. Quels sont-ils et qui pourrait vous aider davantage, les pouvoirs publics suisses ou une institution internationale ?
- Nous tournons avec un budget de moins de 100.000 francs par an, qui nous vient de dons divers. Pas moyen de rétribuer un collaborateur permanent. Cinq personnes travaillent au siège de l’association à Lausanne, bénévolement ou rétribuées en occupation chômage pour des durées limitées. Il faudrait d’abord un coordinateur permanent, moi ou quelqu’un d’autre, et idéalement quelques collaborateurs à temps plein, stables et rétribués correctement, pour prospecter, enquêter, étendre notre action, assurer le suivi des dossiers, la correspondance, les relations avec nos partenaires.
- La pédophilie et les abus sexuels à l’égard des enfants existent depuis toujours mais on n’en a jamais autant parlé qu’aujourd’hui. Pourquoi ?
Vaste question. L’affaire Dutroux y a contribué pour une bonne part ainsi que la récente Conférence de Stockholm à laquelle ce drame a donné un grand impact. Le développement du tourisme sexuel a conduit à des révélations qui ont touché le public. Les abus sexuels à l’égard des enfants dans nos contrées ont fini également par sortir du silence. Les langues se délient, notamment dans les familles. Au Service vaudois de protection de la jeunesse plusieurs cas sont signalés chaque semaine alors qu’il était question tout au plus d’un cas par mois il y a dix ans.
Les tribunaux de district traitent régulièrement de délits sexuels contre des enfants dont la justice n’était autrefois saisie que rarement.
- Le phénomène a-t-il plus d’ampleur qu’autrefois ?
- J’ai tendance à le croire. L’expansion du tourisme vers les pays pauvres a rendu la pédophilie peu coûteuse et d’autant plus accessible qu’elle est trop souvent impunie. L’éclatement des familles dans nos pays contribue certainement au développement de ces perversions : quand le pervers est le beau-père de l’enfant ou le compagnon de sa mère, il y a moins de barrières que s’il est son géniteur, les statistiques le montrent. Les messageries dites roses, la télématique, Internet jouent un rôle de plus en plus considérable, des études ont été faites à ce sujet. Quant au trafic des cassettes pornographiques, il dépasse de très loin les fonds cachés des sex-shops.
- On parle de réseaux internationaux de pédophiles. Est-ce exagéré ?
- Pas du tout. Ils se développent et se déploient à des fins diverses : trafic d’enfants, organisation de séances pornos collectives, protection mutuelle, diffusion de revues et de cassettes. Pour les tourner ces cassettes, il faut des acteurs, fillettes et garçonnets. C’est un vaste marché. Elles sont habilement faites : impossible de détecter le moindre signe permettant d’identifier le pays où elles ont été tournées, et si les enfants sont filmés ostensiblement, leurs partenaires adultes sont toujours masqués d’une façon ou d’une autre. L’abaissement de la majorité sexuelle à quatorze ans a des défenseurs dont il ne faut pas sous-estimer le poids. Ces réseaux bénéficient de protection grâce à la présence en leur sein de personnes influentes. Des congrès de pédophiles se sont tenus à Vienne, à Turin. Oui, en Europe, cela paraît incroyable.
- Etes-vous écouté en haut lieu, ici en Suisse ?
- Oui. Nous avons une excellente relation avec Peter Blaser, notre principal interlocuteur à Berne, avec qui nous projetons la création d’une banque de données. La justice suisse, plus indépendante qu’ailleurs, est moins exposée aux pressions. La prescription des délits sexuels contre les enfants est désormais de dix ans au lieu de cinq. Le conseiller national vaudois Jean-Charles Simon a déposé une initiative parlementaire destinée à étendre la répression de la pornographie enfantine aux détenteurs de cassettes alors que la loi actuelle ne vise que leurs auteurs et leurs propagateurs. Le Conseil d’Etat vaudois vient de proposer deux mesures fédérales visant à renforcer les moyens de détection des délits commis par des pédophiles dans les pays propices au tourisme sexuel. Le CIDE a pris une part active dans ces propositions.
- Celle de l’exécutif vaudois vise à la création d’une organisation chargée d’opérer dans les pays concernés. Le CIDE par exemple ?
- Ce n’est pas à moi de le dire, mais il est vrai que c’est exactement ce que nous faisons et nous avons une expérience reconnue en Suisse et à l’étranger.
Propos recueillis par Pierre-André Krol
Source : Jacquesthomet.com
Informations complémentaires :
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Ah bah tiens, dans l'imprescriptibilité, en toute méconnaissance de ce qu'il pourrait se passer pour les victimes, les psys ont même augmenté l' âge de 10 à 12 ans. Je tiens à souligner qu'une victime qui portera plainte risquera de se trouver dans des conditions plus graves encore après le procès qu'avant celui-ci. Cela par la seconde victimisation. Mais on s'en fiche totalement. Pas grave, on poursuit du pédo.
Je ne suis pas contre l'imprescriptibilité pour autant que celle-ci ne mette pas la victime elle-même en danger.